Forum Social Local du Gard

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DA_1 CHANGEONS LE SYSTEME, PAS LE CLIMAT

DA_1                                                                                                       Retour Sommaire
                                     
Vers la COP21 (Article ATTAC)
Depuis plusieurs décennies, le climat se modifie du fait de l’activité humaine. Les conférences de l’ONU se succèdent, mais les États ne réduisent pas significativement leurs émissions de gaz à effet de serre, pendant que les multinationales et la finance étendent leur emprise sur nos vies et la planète.
C’est le système global dans lequel nous vivons, notre modèle de développement, qui est insoutenable et qu’il faut transformer. Et les solutions existent !
Nous pouvons enclencher une véritable transition vers un système qui vise, non pas le maintien d’un modèle de croissance infinie, mais l’harmonie entre les humains et la nature et qui réponde aux besoins de la majorité.
En décembre 2015, la 21e Conférence sur le changement climatique aura lieu à Paris (Le Bourget). D’ici là, en France et ailleurs, mobilisons-nous pour une véritable transition et enterrons les fausses solutions !










Que faire de la 21e conférence des parties de la Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris - Le Bourget en décembre 2015 ? Les ONG, mouvements sociaux et écologistes se posent toute une série de questions essentielles dont il faut prendre le temps de débattre : que faut-il attendre des négociations ? Sur quoi est-il possible d’influer ? Que faire pour ne pas se retrouver dans la même situation qu’après Copenhague (2009) ? Quels objectifs se donner ? Comment travailler en profondeur les exigences de transformation écologique et sociale au sein de la population ? Quelles initiatives prendre pour imposer la lutte contre les dérèglements climatiques en haut des priorités politiques tout en évitant de donner plus de forces à ceux qui veulent imposer leurs solutions techno-scientifiques et innovations financières ? Sur quelles bases construire un mouvement pour la justice climatique qui irrigue largement la société, persiste et se renforce à travers et au-delà de la conférence Paris2015 ? Comment s’appuyer sur la réussite des manifestations du 21 septembre 2014 ? Quelle place donner aux mobilisations grandissantes visant à bloquer des projets climaticides et aux initiatives citoyennes visant à expérimenter et mettre en œuvre dès maintenant le monde soutenable et résilient qui sera nécessaire demain ? La liste des questions et des débats en cours au sein des ONG et des mouvements sociaux et écologiques est longue.






En expliquant pourquoi les contours et le contenu (niveau de réduction d’émissions, niveau de financements et forme juridique) de l’accord le plus ambitieux qui pourrait être atteint à Paris en 2015 sont à peu près déjà connus, ce texte essaie de mettre en lumière pourquoi les ONG et les mouvements sociaux et écologiques devraient prendre du recul par rapport aux négociations qui se déroulent au sein de l’ONU. Il s’agit de ne pas reproduire les erreurs qui ont été faites en amont et pendant la conférence de Copenhague en 2009. Pour ce faire il est proposé de concentrer les énergies militantes et citoyennes sur un agenda de mobilisations propres dont la Conférence de l’ONU COP21 serait une étape et une caisse de résonance dans la perspective de transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition écologique et sociale d’ampleur. D’une certaine manière, il s’agit donc, au nom de l’urgence climatique, de ne pas se limiter à des batailles défensives au sein des négociations de l’ONU. Au contraire, l’idée est de renforcer toutes les batailles et propositions offensives et transformatrices que les dynamiques Blockadia et Alternatiba peuvent porter et incarner. Après les manifestations massives, à New York et ailleurs, le 21 septembre dernier, il est ici proposé de faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » et un « Cochabamba de la transition écologique et sociale ». Pour engager le débat et poursuivre les discussions déjà en cours, la perspective est clairement énoncée : il s’agit de se donner les moyens de ne pas subir le cours des négociations de l’ONU. Au contraire il est proposé que les ONG et les mouvements sociaux et écologistes deviennent prescripteurs d’opinion et dictent le dernier mot.
Point d’accord juridiquement contraignant à l’horizon !
Pour Laurent Fabius, l’objectif annoncé en septembre 2013 était d’aboutir à « un accord applicable à tous, juridiquement contraignant et ambitieux, c’est-à-dire permettant de respecter la limite des 2 °C » [1]. À New York, en septembre dernier, François Hollande a même dit que l’horizon était d’arriver à la « neutralité carbone » [2]. Au regard de ce qui est aujourd’hui sur la table, c’est peu dire que c’est mal parti. Si un accord est possible en 2015, il ne sera ni juridiquement contraignant, ni à la hauteur des enjeux. Barack Obama ne veut pas d’accord juridiquement contraignant en matière de climat [3]. Il l’a clairement affirmé à la fin de l’été [4], préférant un instrument juridique souple qui invite les États à définir et annoncer, à intervalles de temps réguliers et de manière unilatérale, leurs propres engagements (réduction d’émissions, financements, etc.) pour une période donnée. À travers ce modèle dit de « Name & shame », chaque pays se verra accorder un satisfecit international si ses objectifs sont jugés suffisants et s’ils sont atteints, et il sera « couvert de honte » dans le cas contraire.
Ainsi, à la contrainte juridique, seule à-même d’instituer une contrainte et un engagement politique, il est préféré une déclaration d’intention regroupant les engagements propres de chacun des États, déclarations dont on sait le peu de poids et de constance qu’ils peuvent avoir. C’est un tournant dans les négociations climat où l’échelon national va primer sur la fixation et la réalisation d’objectifs globaux. Pour Barack Obama et l’administration américaine, les affaires intérieures et les équilibres géopolitiques internationaux priment sur le climat et la nécessité d’aboutir à un accord contraignant. Ils sont rejoints en cela par de nombreux pays, notamment la Chine. Ni François Hollande ni Laurent Fabius ne les ont formellement contredits. Pas plus depuis Paris qu’à New York lors du sommet sur le climat organisé par Ban Ki-moon, le 23 septembre 2014.
Point d’accord ambitieux à l’horizon !
Pour être à la hauteur des enjeux rappelés par la synthèse [5] des rapports du GIEC publiée le 2 novembre dernier, un accord devrait imposer d’importantes réductions d’émissions de gaz à effets de serre (GES) d’ici 2020. En effet, selon un rapport du PNUE [6], si rien ne change, les pays de la planète vont émettre 13 gigatonnes de gaz à effet de serre équivalents CO2 de trop en 2020 (57 gigatonnes au lieu de 44 gigatonnes de CO2) par rapport aux trajectoires acceptables pour conserver une chance raisonnable de pouvoir ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique maximal d’ici la fin du siècle. Pourtant, à ce jour, aucun pays n’envisage de revoir à la hausse ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. Rien n’indique donc que cet écart entre le souhaitable et le réel se résorbe avant 2020, et il a de fortes chances de s’aggraver après 2020.
En effet, les premiers engagements mis sur la table pour l’après 2020 sont très éloignés des recommandations du GIEC. Ainsi, l’Union européenne [7] s’est engagée à réduire ses émissions d’au moins 40 % d’ici 2030, un objectif que les recommandations du GIEC invitent à atteindre dès 2020. Les États-Unis viennent [8] eux de s’engager à réduire leurs émissions de 26 à 28 % d’ici à 2025, soit un objectif d’à peine 0,4% par an par rapport à 1990. Quant à la Chine, elle s’engage à atteindre un maximum d’émissions avant 2030, ce qui revient à annoncer qu’elle battra record sur record d’ici là. Sur la base des engagements américains et chinois, il n’y aurait à peine que 1 % de chance [9] de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle. Avec le système voulu par les États-Unis et aujourd’hui soutenu bien plus largement, qui permet à chaque État de fixer son propre objectif, il n’est plus question de répartir entre les différents pays un budget carbone maximum préalablement établi en fonction des exigences et recommandations scientifiques. C’est à se demander si les gouvernements ne sont pas tout simplement en train d’abandonner l’objectif des 2°C qu’ils se sont eux-mêmes fixés lors de nombreuses échéances internationales (négociations ONU, G8, G20 etc), et au delà duquel les dérèglements climatiques seraient dramatiques.
Peu de financements à l’horizon !
Il n’y a point d’accord « ambitieux » sans financements conséquents sur la table. Décidé à Copenhague, le Fonds Verts pour le Climat vient à peine de voir le jour. Mais les caisses du fonds restent (presque) vides. Sur les 100 milliards de dollars par an promis pour financer la lutte contre le réchauffement climatique, l’adaptation et les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes, à peine un peu plus de deux milliards de dollars ont été collectés à New York. Les annonces de François Hollande, voulues tonitruantes, sont en fait dérisoires [10], et les modalités de leur utilisation sont très discutables [11]. Depuis, les États-Unis et le Japon ont respectivement annoncé contribuer à hauteur de trois et de un milliard et demi de dollars, sans préciser le nombre d’années sur lesquelles ils seront étalés. D’autres pays (Royaume-Uni, Italie, etc) en on fait de même, sans qu’il ne soit encore possible d’atteindre 10 milliards de dollars. Une somme qui ne sera récoltée que sur plusieurs années. Soit une division par plus de dix comparé à ce qui avait été été promis. À ce jour il n’est par ailleurs pas garanti que ces financements, s’ils se confirment, soient publics, additionnels et disponibles sous forme de dons et non de prêts conditionnés, pas plus qu’il n’est assuré qu’ils soient prioritairement destinés aux populations qui en ont le plus besoin.
Faut-il appeler les États à passer à l’action ?
Nous ne manquons pourtant pas de données et d’études scientifiques pour alerter les chefs d’État et de gouvernement et exiger d’eux qu’ils agissent urgemment. Les derniers rapports du GIEC sont extrêmement alarmants. Il ne se passe pas un mois sans qu’un nouveau record d’émissions de gaz à effet de serre ou de chaleur ne soit battu, comme le montrent les dernières données publiées par l’Organisation météorologique mondiale [12]. Les données et les rapports d’expertise scientifique s’empilent mais ne déclenchent pas de politiques à la hauteur des enjeux, prouvant par là-même qu’il n’existe pas de relation mécanique entre l’accumulation des savoirs scientifiques sur le réchauffement climatique global et la volonté d’en faire un enjeu politique prioritaire. Informer les classes dirigeantes des dernières données disponibles n’a, finalement, pour seule conséquence que d’avoir des classes dirigeantes informées des dernières données disponibles, mais toujours opposées, hélas, à engager la transformation d’un système économique insoutenable.
Les appels invitant les «  leaders » à « passer à l’action » ne manquent pas non plus. Dernier appel en date, les manifestations du 21 septembre dernier dont c’était le mot d’ordre général, extrêmement large, voulu par les organisateurs [13]. Ces manifestations, comme ce fut déjà le cas à Copenhague en 2009, on été massives et déterminées. Elle ont été diverses également de par les exigences exprimées dans les cortèges, y compris pour demander «  un changement de système, pas du climat ». Visiblement, si l’on va au delà des déclarations d’intention, les « leaders » présents au sommet de Ban Ki-moon ne souhaitent pas s’attaquer aux causes profondes du réchauffement climatique [14]. Par conséquent, on se dirige ver les + 4°C, voire les + 6°C d’ici la fin du siècle. Y a-t-il des « leaders du climat » au sein de l’ONU ? Les négociations internationales ont débuté à l’orée des années 1990. Depuis, les émissions mondiales ont augmenté de plus de 60 %, et continuent de croître, année après année. Responsabilité de la Chine, de l’Inde et du Brésil ? Pas seulement : l’empreinte carbone de la France a augmenté de 15 % en vingt ans. Faut-il encore appeler ces « délinquants du climat » [15] à «  passer l’action » ?
Les fausses solutions vont bon train
Quand les chefs d’État et de gouvernement « passent à l’action », ils ont tendance à mettre en œuvre un agenda de fausses solutions. Tout se passe comme si les classes dirigeantes et le business utilisaient les dernières données et les derniers rapports publiés pour justifier des décisions et des initiatives qui, tout en donnant l’impression qu’ils agissent, contribuent à empirer la situation et à renforcer l’emprise de la finance et des multinationales sur nos économies, sur nos vies et sur la nature. Le récent sommet sur le climat organisé par Ban Ki-moon à New York en est un exemple frappant [16]. Il s’est transformé en un salon des fausses solutions.
Pour renchérir l’utilisation des énergies fossiles, on cherchera à donner un prix au carbone par l’entremise de nouveaux dispositifs de marché et de finance carbone alors que le marché européen, pionnier en la matière, s’est révélé inefficace, dangereux, coûteux et non-réformable [17]. Pour optimiser le captage et le stockage du carbone dans les sols et les forêts, il est proposé d’expérimenter de nouvelles pratiques et techniques agro-forestières – y compris le développement de nouvelles cultures génétiquement modifiées – et de les financer à l’aide de nouveaux dispositifs de finance carbone [18]. Pour que les paysans des pays pauvres puissent faire face aux conséquences des dérèglements climatiques, on leur vendra des outils sophistiqués de prévision météorologique et des polices d’assurance. Pour développer les énergies renouvelables, notamment en Afrique, de vastes programmes d’investissements, confiés aux multinationales et aux marchés financiers, seront lancés pour réaliser des méga-infrastructures, destinées à alimenter de grands projets miniers et industriels, et souvent inutiles et inadaptées aux besoins des populations. La liste est malheureusement longue.
Faut-il pour autant abandonner l’ONU ?
S’il apparaît improbable [19] d’obtenir un accord juridiquement contraignant, juste et à la hauteur des enjeux à Paris en 2015 et que ces conférences internationales servent aujourd’hui à promouvoir des fausses solutions, alors ne faut-il tout simplement pas abandonner le terrain de l’ONU ? Certains le pensent et considèrent que les ONG et les mouvements n’ont rien à y faire, pire, se fourvoient à continuer d’assister aux négociations : par leur présence, ils ne feraient que légitimer un espace et des procédures de gouvernement qui institutionnalisent et adoucissent les voix critiques, tout en permettant de faire perdurer un modèle économique international insoutenable et à l’origine des dérèglements climatiques.
Ces critiques ne sont pas infondées, notamment parce que les ONG et les mouvements ont certainement contribué à laisser entendre que les conférences de l’ONU pouvaient véritablement « sauver le climat » et que nous étions finalement tous sur le même bateau. Néanmoins, déserter l’ONU laisserait le champ libre à ceux qui ambitionnent d’étendre l’emprise des multinationales, de la finance et des techno-sciences sur le climat. Quitter l’ONU et ne plus avoir la possibilité de suivre avec précision les négociations reviendrait à accepter que les États puissent se satisfaire d’objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de financements très en-deçà des exigences. Se retirer de l’ONU cautionnerait l’emprise croissante du secteur privé sur les instances et programmes de l’ONU alors que la société civile clame depuis des années vouloir prendre possession d’une instance supposée incarner ses intérêts, ceux des « peuples des Nations-Unies » [20].
Au sein de l’ONU, une série de batailles… défensives.
S’il est sans doute préférable de ne pas abandonner le terrain de l’ONU, encore faut-il caractériser, avec lucidité et sans se voiler la face, ce qu’il est possible de faire sur ce terrain, et à quelles conditions. En un sens, faisons preuve de réalisme et de pragmatisme : tenons compte du fait que ces négociations ne se déroulent pas à l’extérieur d’une situation géopolitique, économique et financière qui en détermine largement les limites. Commençons par reconnaître et accepter que la majorité des batailles à mener au sein de l’ONU sont des batailles défensives. Des batailles pour ne pas trop perdre. Des batailles pour que les objectifs de réduction d’émissions et les niveaux de financements soient les moins pires possibles. Des batailles pour que les conséquences des dérèglements climatiques sur les populations les plus démunies soient mieux prises en compte. Des batailles pour stopper l’expansion de la finance carbone et des solutions techno-scientifiques. Des batailles pour combattre l’emprise des intérêts privés sur les négociations. Ce sont autant de batailles essentielles. Mais ce sont des batailles défensives au sens où elles portent sur un agenda de négociations que les gouvernements se sont donnés et qui n’est pas celui que les ONG, les mouvements et les populations veulent imposer aux gouvernements.
Ces batailles ne sont pas en mesure d’intéresser et de mobiliser au delà des cercles avertis car, en plus d’être souvent exprimées dans le langage codé des négociations, elles ne donnent pas immédiatement à voir le projet de société qui est envisagé, promu et défendu. Au contraire, compte tenu de l’imbrication des négociations dans de puissants rapports de force géopolitiques et de l’inaction des gouvernements, ces batailles peuvent être décourageantes et générer de la frustration et de la déception. Frustration et déception dont on ne sait qu’elles ne peuvent être les moteurs de l’engagement citoyen. Enfin, ces batailles sont défensives car il n’y a plus de pays ou de groupes de pays avec lesquels les mouvements pour la justice climatique pourraient partager une stratégie commune et passer alliance. Bien-entendu, il reste bien quelques pays avec lesquels il est possible d’essayer de bloquer ou de renforcer tel ou tel point spécifique des négociations. Mais c’est autre chose que de partager une stratégie commune. Ainsi l’Union européenne n’est désormais plus légitime pour incarner un rôle d’exemple [21], tandis que les pays de l’Alba (Bolivie, Equateur, Venezuela etc.), bien que toujours véhéments dans les discours, n’ont plus la volonté de transformer en profondeur les négociations [22]. Pas plus que l’alliance des petites îles (Aosis - Alliance of Small Island States) qui comprend de riches îles-État comme Singapour très intégrées au cœur du capitalisme mondial.
Des batailles défensives aux batailles offensives
Dès lors que faire ? Que faire pour qu’à la sidération [23] on n’ajoute pas le découragement et l’impuissance ? Vaste question à laquelle il n’y a pas de réponse aisée et définitive. Bien-entendu, les récentes mobilisations sur le climat, comme les manifestations massives du 21 septembre dernier [24] ou le succès du processus Alternatiba [25], sont des dynamiques positives sur lesquelles prendre appui. Néanmoins, ce ne sont pas les premières mobilisations citoyennes réussies en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. En mêlant une manifestation réussie (100 000 personnes), un sommet alternatif de qualité et des actions de désobéissance civile massives, la mobilisation citoyenne lors de la conférence de Copenhague fut une très grande réussite. Et pourtant, une grande part des représentants d’ONG et des militants des mouvements sociaux et écologistes sont repartis avec la gueule de bois.
Venus « sauver le climat », encouragés en cela par une série d’ONG ayant fait de Copenhague «  le sommet de la dernière chance », ils ne pouvaient qu’être déçus du résultat des négociations. Tout comme la majorité de toutes celles et tous ceux qui, restés dans leurs pays, regardaient cette conférence avec un œil attentif. Pourtant le résultat des négociations de Copenhague était prévisible pour qui voulait bien tenir compte des réalités géopolitiques mondiales. Or, le climat ne sera pas plus sauvé à Paris qu’il ne l’a été à Copenhague. Pas plus qu’il ne sera possible d’y obtenir un accord ambitieux et contraignant. Bien sûr, on peut refuser de voir les choses en face et appeler de nouveau, comme le font certains, à se mobiliser pour «  sauver le climat » à Paris, sans préciser les contours des objectifs que l’on se donne. Comme cela n’arrivera pas – les contours d’un éventuel futur accord et les engagements des pays sont pour l’essentiel déjà connus – une nouvelle gueule de bois serait assurée et nous connaîtrons un reflux des mobilisations et implications citoyennes dans les mois qui suivront. Bis repetita après Copenhague.
Une autre option consiste à ne pas se raconter d’histoire. Oui, bien sûr, il faut « passer à l’action ». Mais les mouvements pour la justice climatique ne peuvent se satisfaire que les gouvernements et le secteur privé « fassent quelque chose » (« Do something »). Ils ne peuvent se satisfaire de l’agenda étroit des négociations et des dynamiques actuelles concourant à un accord qui ne sera pas à la hauteur des enjeux. Non, ce que nous voulons, c’est tout changer ! (« We want to change everything »). Pas parce que cela nous amuse. Pas parce que nous préférons nous fixer des objectifs très ambitieux plutôt que de mettre en œuvre une stratégie des petits pas – stratégie qui montre toutes ses limites en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Pas non plus parce que nous vivons dans l’illusion du grand soir ou du petit matin. Nous voulons « tout changer » parce que c’est la crise climatique et la nécessaire justice climatique qui l’exigent, lorsqu’on en tire toutes les conséquences. Comme le montre Naomi Klein dans son nouveau livre [26], c’est notre modèle de développement, le capitalisme néolibéral et ses exigences de rentabilité économique et financière, qui est insoutenable et qu’il faut transformer en un système qui vise, non pas le maintien d’un modèle de croissance infinie, mais l’harmonie entre les humains et la nature et qui réponde aux besoins de la majorité [27].
« Changer le système », mais pas avec n’importe qui !
Justement, en matière de climat, si rien n’a été fait qui ne soit à la hauteur des enjeux, c’est parce que les véritables solutions à la crise climatique entrent nécessairement en conflit avec le modèle économique dominant et l’idéologie qui le porte. Sobriété et efficacité énergétique, décentralisation et démocratisation des systèmes énergétiques, souveraineté alimentaire et agro-écologie paysanne, relocalisation des productions et des consommations, égalisation des modes de vie dans le cadre d’une politique du bien-vivre et de décroissance de l’empreinte écologique, coopération et solidarité économiques, etc. Les solutions aux dérèglements climatiques se heurtent frontalement aux politiques de compétitivité et aux politiques de libéralisation des échanges et des investissements qui génèrent une mise en concurrence accrue des populations et des territoires les uns avec les autres. Là où les premières s’appuient sur des principes de respect des grands équilibres écologiques et de coopération entre les populations pour construire un avenir commun, les politiques de compétitivité et de libéralisation font primer les exigences de rentabilité économique et financière sur tout le reste, y compris les exigences climatiques.
Pour « sauver le climat », il ne peut y avoir d’accommodements raisonnables avec les modes de développement productivistes insoutenables. Il est nécessaire de s’adresser aux causes structurelles des dérèglements climatiques. À ce compte-là, il ne peut y avoir de jeu gagnant-gagnant avec ceux qui défendent un modèle économique basé sur les énergies fossiles, à commencer par les multinationales du pétrole. Il faut l’assumer. Et les bloquer là où leur agenda avance. Ainsi, en est-il des accords de libre-échange et d’investissements que l’UE négocie respectivement avec le Canada (CETA) et les États-Unis (TAFTA), , qui visent à étendre la production et le commerce des hydrocarbures non conventionnels (sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste) des deux côtés de l’Atlantique. Les politiques de libre-échange et d’investissements structurent nos économies et nos sociétés de telle sorte qu’elles deviennent très fortement dépendantes des importations et exportations d’énergies fossiles, tout en réduisant les capacités de mise en œuvre de véritables politiques de transition énergétique [28]. Pour imposer nos solutions, il faut faire refluer l’agenda du business as usual. Tout le monde n’a pas intérêt à changer de système. Nous n’avons pas intérêt à ce que tout le monde continue à agir [29].
Décentrer notre stratégie : de la COP21 à Paris2015
Une transformation si profonde des sociétés et des économies ne se fera pas en deux coups de cuillère à pot. C’est une évidence. Nous ne l’obtiendrons pas et nous ne l’imposerons pas lors d’un conférence de l’ONU telle que la COP21 de Paris2015. C’est une autre évidence. Est-ce suffisant pour en délégitimer l’horizon et ranger cette ambition sous le paillasson du réalo-pragmatisme qui nous inviterait à nous restreindre à ce qui pourrait être avalisé par des chefs d’État si peu ambitieux et si peu exigeants ? À l’inverse de certains, nous ne le croyons pas. Au contraire. ONG et mouvements sociaux et écologistes devraient se fixer pour objectif de réencastrer les négociations et politiques portant sur le climat dans une bataille généralisée visant à transformer profondément le capitalisme néolibéral productiviste et dévastateur qui sévit partout sur la planète. Le fait qu’il n’y ait pas grand chose de tangible, pas grand chose à gagner, et rien qui ne soit à la hauteur des enjeux, dans les négociations, rebat les cartes. La majorité des organisations de la société civile l’a d’ailleurs montré lors de la conférence de Varsovie en 2013 en décidant de quitter les négociations [30]. Par ailleurs, certaines institutions internationales, comme la Banque mondiale, ont décidé de ne pas attendre un accord international au sein de l’ONU pour mettre en œuvre leurs projets [31] en matière climatique, et nous invitent donc à ne pas se focaliser uniquement sur les conférences de l’ONU sur les dérèglements climatiques.
En continuant à agir comme ils le font, les gouvernements disent à l’opinion publique internationale qu’il n’y a pas grand chose d’ambitieux à gagner lors de la COP21. Ce faisant, ils offrent l’opportunité à la société civile de délaisser les « texts and brackets » [32] des négociations pour se concentrer sur une stratégie de long terme, dont Paris2015 ne serait qu’une étape, qu’une caisse de résonance, visant à transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition écologique et sociale d’ampleur. En quelque sorte, c’est au nom de l’urgence de l’action pour le climat qu’il faudrait urgemment ne plus se focaliser sur la Convention climat de l’ONU, ne plus se perdre dans la technicité des négociations. Ainsi, il serait possible de dégager du temps et de l’énergie pour prendre du recul et se servir de Paris2015 comme d’un moment clef dans la perspective d’accumuler de la force et de l’énergie qui nous seront absolument nécessaires dans les mois qui suivront. Bien-entendu, ceci ne signifie pas qu’il faille se désintéresser complètement des négociations et de l’ONU. Cela signifie au contraire qu’il faudrait utiliser ce rendez-vous pour décentrer l’attention, pour imposer notre propre agenda et pour mener toute une série de batailles clefs gagnables et qui ne se jouent pas nécessairement à l’intérieur de l’ONU. En un sens, passer de l’appellation COP21 à Paris2015 revient à ne pas réduire la lutte contre le changement climatique aux négociations de l’ONU, et au contraire à l’élargir à toute une série de problématiques et conflits en cours qui n’y sont pas systématiquement rattachés.
De la justice climatique à Alternatiba et Blockadia
Les bilans d’après Copenhague des coalitions Climate Justice Action [33] et Climate Justice Now ! [34]pointaient déjà la nécessité de ne plus faire dépendre la construction d’un mouvement global pour la justice climatique de l’agenda des sommets globaux : après le succès de l’action de désobéissance civile non violente Reclaim Power [35] du 16 décembre 2009, engagement avait été pris de décentraliser et démultiplier l’organisation d’assemblées des peuples, au niveau local et régional [36]. Contre les projets climaticides et pour mettre en œuvre des solutions directes, il s’agissait de s’appuyer sur des formes de solidarités translocales – des solidarités entre des luttes ou des alternatives ancrées sur les territoires – comme vecteur de la construction d’un mouvement global. Ce défi, colossal, est toujours présent : comment relocaliser et ancrer nos imaginaires et nos mobilisations dans des expériences et des réalités concrètes, y compris de la vie quotidienne [37], dans la perspective de redécouvrir notre puissance d’agir collective ? Une puissance d’agir qui sera d’autant plus forte, et plus large, si nous sommes en mesure de nous dégager d’une logique de sensibilisation et de mobilisations citoyennes qui repose sans doute trop sur une heuristique de la science et de l’expertise : il ne suffit pas de savoir que le réchauffement climatique est là pour passer à l’action. Si l’empilement des rapports d’expertise n’implique pas mécaniquement des mesures et des politiques à la hauteur des enjeux, il ne déclenche pas non plus la mobilisation citoyenne générale. Au contraire, cette seule approche génère sans doute plus de sidération que d’engagement.
Deux dynamiques citoyennes nous semblent contribuer à ce processus de relocalisation des luttes et des imaginaires tout en conservant la perspective d’un mouvement global pour la justice climatique se confrontant aux causes structurelles du réchauffement climatique. La première s’appuie sur les « frontline struggles », ces luttes qui visent à stopper l’expansion de la frontière extractiviste (des hydrocarbures de schiste aux nouveaux projets miniers) et la construction de nouvelles infrastructures inutiles, imposées et inadaptées (aéroports, autoroutes, barrages, stades, etc.). À la suite des puissantes mobilisations en Amérique du Nord contre la construction de nouveaux pipelines visant à exporter le pétrole issu des sables bitumineux d’Alberta (Canada), nous pourrions appeler cette dynamique de mobilisation internationale Blockadia [38]. Sur l’autre versant se situe la dynamique d’innovation, de développement, de renforcement et de mise en lumière des expériences alternatives concrètes, qu’elles soient locales ou à prétention régionale et globale-, et qui visent à transformer profondément nos modèles de production et de consommation jusqu’ici insoutenables. En empruntant le terme au processus lancé en octobre 2013 à Bayonne (Pays Basque) par Bizi ! et des dizaines d’organisations basques, espagnoles et françaises, nous pourrions, par extension, appeler Alternatiba cette dynamique citoyenne à l’oeuvre, sous des formes différentes, aux quatre coins de la planète.
Ces deux dynamiques incarnent clairement un virage éco-territorial des luttes sociales, pour reprendre le terme que la sociologue argentine Maristella Svampa [39] utilise pour caractériser l’essor des luttes en Amérique latine qui mêlent langage écologiste et pratique de la résistance et de l’alternative inscrite dans des territoires. Le territoire n’est pas ici un confetti qu’il faudrait sauver des dégâts du productivisme, de l’industrialisation ou de la mondialisation néolibérale. Il est au contraire l’espace à partir duquel se construisent résistances et alternatives, c’est-à-dire à partir duquel se pense et s’expérimente le dépassement des modèles économiques, financiers et technologiques insoutenables actuels. Ici, aucun égoïsme du type « je ne veux pas de ce projet chez moi, ailleurs, je m’en fiche » : la préservation, la promotion et la résilience de tous les territoires représentent l’horizon d’ensemble. D’une certaine façon, les mobilisations contre les gaz et pétrole de schiste, en France et dans de nombreux autres pays, qui clament « Ni ici ni ailleurs » [40], notamment lorsqu’elles se doublent d’exigences de transition énergétique radicale, participent de cette même logique.
Élargissement et radicalisation pour imposer la transition écologique et sociale
De notre point de vue, si ces deux processus ont des points de départ distincts, ils ouvrent des espaces qui sont source à la fois d’élargissement et de radicalisation des dynamiques citoyennes pour la justice climatique. Elargissement parce qu’en s’appuyant respectivement sur l’opposition à un projet dévastateur qui touche notre quotidien, et sur le développement d’expériences qui améliorent notre quotidien et donne à voir le monde de demain, ces deux processus rendent possibles l’inclusion de franges de la population qui ne s’impliqueraient pas dans des espaces militants classiques. Il n’y a point besoin d’être expert-e-s en climatologie ou science de l’environnement pour s’impliquer dans ces dynamiques. Ce sont par ailleurs deux processus qui autorisent la juxtaposition de pratiques, tactiques et stratégies diverses et variées [41] : il est possible de s’engager sans avoir à se conformer à un moule militant souvent perçu et vécu comme trop étroit. Cet élargissement est également un processus de radicalisation, ne présageant pas de la « radicalité » des participants : se confronter à la puissance des promoteurs des projets climaticides ou à la difficulté de déploiement des alternatives concrètes à grande échelle, permet de toucher du doigt que la lutte contre le changement climatique n’est pas soluble dans un grand récit de l’unification de l’espèce humaine, du dépassement de tous les clivages.
Hydrocarbures de schiste, expansion de la frontière extractiviste, grands et petits projets inutiles, accords de libre-échange et d’investissements, dispositifs de financiarisation de la nature, agro-industrie et OGM, nucléaire, accroissement des inégalités, lobbying effréné des multinationales, banques climaticides, les luttes locales et les batailles globales pour affaiblir tous ceux qui entravent la lutte contre les dérèglements climatiques ne manquent pas. Tout comme les batailles pour mettre en œuvre des expériences alternatives concrètes : souveraineté alimentaire et agroécologie paysannes, circuits-courts, relocalisation de l’économie, partage du travail et des richesses, isolation des logements, reconversion sociale et écologique de la production en assurant le maintien des emplois, réappropriation et promotion des biens communs, réparation et recyclage, réduction des déchets, transports doux et mobilité soutenable, éco-rénovation, énergies renouvelables, etc. Du côté des dynamiques Blockadia et Alternatiba, il est clairement assumé que la transition écologique et sociale nécessite de profonds changements structurels que les élites rejettent pour ne pas transformer un système politique et économique qui assure leur domination et leur puissance. Pour faire refluer l’emprise des multinationales et des intérêts privés sur nos vies, la nature et notre avenir, appuyons-nous donc sur ces luttes et ces alternatives afin de les renforcer et de les rendre incontournables.
Faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » et un « Cochabamba de nos solutions » !
Faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » revient à travailler pour que Paris2015 soit un moment fondateur du mouvement pour la justice climatique comme Seattle et Cochabamba le furent pour le mouvement altermondialiste, afin d’ébranler, et enterrer si nous le pouvons, toutes ces promesses techno-scientifiques et néolibérales consistant à affirmer que de nouvelles technologies, des investissements de multinationales et des mécanismes de marché peuvent solutionner la crise climatique. La référence à Seattle fait écho aux actions de désobéissance civile dont nous avons besoin pour démontrer l’illégitimité de toutes les fausses solutions qui sont promues lors des conférences de l’ONU sur le changement climatique. La référence à Cochabamba [42] renvoie elle à l’un des moments fondateurs des luttes contre les multinationales visant à se réapproprier l’eau qui a conduit à plus de 180 cas de remunicipalisation de l’eau dans le monde en quinze ans [43]. Cela revient à faire de Paris2015 un moment, parmi d’autres, de la construction d’un mouvement international pour la justice climatique qui soit capable de se mobiliser dans la durée et d’accumuler de la force, d’engranger des petites et des grandes victoires tout en racontant une histoire mobilisatrice. Moins focalisés sur « les texts and brackets » [44], et plus sur notre propre agenda, sur la construction de nos « actions et alternatives ».
Cette référence à Seattle n’est pas nouvelle. Déjà à Copenhague, en 2009, nous avions évoqué un « Seattle-like-moment », en nous appuyant sur une mobilisation citoyenne massive et dynamique, mêlant à des initiatives classiques (manifestation, sommet des peuples etc.) des actions de désobéissance civile d’ampleur (l’action Reclaim Power du 16 décembre) et une articulation plutôt réussie entre l’intérieur et l’extérieur des négociations. Néanmoins, en positionnant la grande manifestation le week-end situé entre les deux semaines de négociation, et les actions en amont de la fin du sommet, que ce soit à Copenhague ou ailleurs, la société civile internationale raconte peu ou prou la même histoire, quel que soit son mot d’ordre : « à vous les gouvernements d’agir pour lutter efficacement contre les dérèglements climatiques ». Cela revient à donner les clefs aux gouvernements et attendre qu’ils agissent. Puisqu’ils n’agissent pas, pas assez, ou pas dans la bonne direction, la fatigue et la déception ne peuvent que l’emporter à la fin.
Avoir le dernier mot !
Une autre option consisterait à construire les différents temps de mobilisation de manière à avoir le dernier mot à Paris. Si nous décidons de faire de Paris2015 une étape de la construction de la mobilisation pour la justice climatique, une caisse de résonance pour faire avancer nos luttes et emmagasiner de la force, alors pourquoi ne pas positionner l’apex des mobilisations à la fin des négociations ? Ainsi, la colère née des errements et des limites des négociations pourrait nourrir les manifestations et les actions massives de désobéissance civile que nous pourrions organiser en fin de négociations. Nous pourrions galvaniser les énergies lors des tous derniers jours : « vous, les gouvernements, vous parlez et négociez pour le pire, vous les multinationales utilisez les négociations pour maintenir votre emprise sur notre futur, nous, les peuples, nous marchons et nous agissons pour changer de système et nous ne lâcherons jamais ». Une telle proposition ne signifie pas abandonner toute volonté d’influer sur l’ONU, les États et les négociations. D’une part parce qu’il est tout à fait envisageable d’organiser des mobilisations décentralisées tout au long de l’année 2015 en ce sens, y compris lors du début des négociations. D’autre part parce que positionner les mobilisations massives lors des derniers jours laisse l’opportunité de faire dérailler les négociations s’il est jugé pertinent de le faire.
Par contre, une telle proposition raconte une toute autre histoire que celle consistant à manifester au cœur des deux semaines de négociations pour faire pression sur l’ONU, les États et les négociations. S’il suffisait de manifester quelques jours avant la clôture des négociations pour influer sur le résultat, Copenhague, lieu de la plus grande manifestation jamais organisée sur les défis climatiques à l’époque, aurait eu un tout autre résultat. Différer le gros des mobilisations citoyennes à la fin de la COP21 de Paris2015, c’est se donner la possibilité de dicter le dernier mot et de ne pas le laisser à d’autres. C’est abandonner le rôle de spectateur et de commentateur auquel nous sommes cantonnés dans les dernières heures des négociations et, au contraire, utiliser l’incertitude qui les entoure, pour devenir prescripteur d’opinion en imposant notre grille de lecture, et nos perspectives, dans l’espace public. Point de déception et de gueule de bois en fin de négociations, mais au contraire l’énergie et la détermination générées et communiquées par des mobilisations citoyennes réussies. De quoi construire au lendemain de Paris2015, dans nos pays, territoires et secteurs respectifs, ce que la déception et la gueule de bois ne permettent pas de faire. Car « nous ne lâcherons plus jamais » !


                                                                                                       

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P.-S.
Remerciements : ce texte n’aurait jamais vu le jour sans les très nombreuses discussions menées dans Attac France, avec de nombreuses organisations associatives et syndicales et de nombreux chercheurs ou experts sur ces questions, menées ces dernières années. Il doit beaucoup aux discussions, remarques et critiques de Nicolas Haeringer, Geneviève Azam, Christophe Aguiton, Jeanne Planche, Txetx Etcheverry et de nombreux autres que je ne peux nommer ici. Bien-entendu, je suis le seul responsable des propos qu’il comprend.

                                                                                                         


Notes
[1] Discours de Laurent Fabius - Présentation du rapport du GIEC (30 septembre 2013) - http://attac.org/l/46h
[2] Entendu comme un niveau d’émissions de gaz à effet de serre «  compatible avec des capacités d’absorption de la planète  ».
[3] Notons par contre que des accords hyper contraignants sont recherchés en matière de commerce et d’investissements.
[7] La société civile exige entre 55 % et 80 % de réductions d’émissions d’ici à 2030 pour les «  pays développés  ».
[11] «  Le fonds vert sera une opportunité considérable pour les entreprises, pour aller vers la transition énergétique. Le fonds vert sera aussi une opportunité de croissance  ».
[13] Voir cette analyse critique - Face au changement climatique, une nécessaire clarification stratégique - http://blogs.mediapart.fr/edition/transition-energetique/article/190914/face-au-changement-climatique-une-necessaire-clarification-strategique
[15] À Durban, en 2012, Anjali Appadurai, étudiante canadienne a déclaré : «  vous avez négocié tout au long de ma vie  » et «  «  vous avez omis de prendre des engagements, vous avez manqué vos objectifs, et vous avez cassé des promesses  »
[18] Voir cette note sur l’alliance pour «  l’agriculture intelligente face au climat  » : http://www.mediapart.fr/files/Note_Climate_Smart_Agriculture_vfin.pdf
[19] Les négociations se déroulent dans le cadre de la plateforme de Durban, adoptée fin 2011. Selon le New York Times, Todd Stern, le négociateur en chef des États-Unis a affirmé à Davos début 2012, que cette plateforme était «  prometteuse pour ce qu’elle ne dit pas  ». Un de ses collaborateurs a précisé ce point en affirmant qu’elle ne faisait pas mention des responsabilités historiques ou des émissions par tête, et que ne sont pas différenciés les pays développés et les pays en développement  ».
[20] Voir le préambule de la Charte des Nations-Unies : http://www.un.org/fr/documents/charter/preamb.shtml
[21] Qu’on l’ait critiqué – c’est notre cas – ou appuyé, le leadership européen en matière de lutte contre les dérèglements climatiques reposait sur deux piliers : des objectifs de réduction d’émissions et un marché du carbone européen (ETS) considéré comme l’instrument de choix pour réaliser ces réductions. En 2014, les objectifs de réduction d’émissions pour 2020 et 2030 sont inconséquents, et le marché du carbone est défaillant et irréformable.
[22] Sans même évoquer ici les contradictions entre leurs engagements internationaux et leurs politiques nationales.
[23] Les défis climatiques sont souvent perçus comme éloignés des capacités d’action quotidienne de la majorité de la population
[24] Christophe Aguiton, Après le succès de la marche pour le climat de New York, trois défis pour le mouvement pour la justice climatique https://france.attac.org/se-mobiliser/vers-la-cop21/article/apres-le-succes-de-la-marche-pour
[26] ’This Changes Everything : Capitalism vs the Climate’ est sorti mi-septembre aux États-Unis et dans plusieurs pays anglo-saxons. L’ouvrage sera disponible en France au printemps 2015, aux éditions Actes Sud.
[27] Voir la déclaration signée par Attac France sur www.france.attac.org
[30] Climat : les mouvements et ONG quittent les négociations – Explications  ! http://blogs.mediapart.fr/blog/attac-france/211113/climat-les-mouvements-et-ong-quittent-les-negociations-explications
[31] En l’occurrence la mise en œuvre d’un prix mondial du carbone à travers la connexion des expériences locales, nationales et régionales des marchés et des taxes carbone.
[32] Littéralement les «  textes et parenthèses  ». Dans les négociations, les propositions de texte d’accord comportent initialement des parenthèses pour toutes les parties qui ne sont pas validées. Il est devenu classique de se moquer de ces «  brackets  » souvent plus conséquentes que la partie du texte validée.
[33] Climate Justice Action était un réseau d’activistes promoteurs d’actions directes durant la conférence de Copenhague : http://en.wikipedia.org/wiki/Climate_Justice_Action
[34] Climate Justice Now  ! est l’une des deux coalitions internationales de réseaux et d’organisation, avec le CAN, reconnues par les Nations-Unies et qui insiste sur l’importance de la justice sociale et bataille contre les «  fausses solutions  », y compris la finance carbone - http://www.climate-justice-now.org/fr/
[36] Voir ce texte d’Olivier de Marcellus, militant suisse engagé dans CJN et CJA : http://www.commoner.org.uk/?p=88
[37] Jade Lindgaard, Je crise climatique, Editions La Découverte, Paris, 2014
[38] C’est également le terme choisi par Naomi Klein dans son nouveau livre.
[39] Maristella Svampa, Consenso de los Commodities, Giro Ecoterritorial y Pensamiento crítico en América Latina, http://maristellasvampa.net/archivos/ensayo59.pdf
[40] Voir Maxime Combes, Let’s frack the fracking companies, http://www.ejolt.org/2012/09/global-frackdown-on-fracking-companies/
[41] Le mouvement contre les gaz de schiste ne pourrait avoir obtenu de tels succès s’il n’avait pas pu faire cohabiter des pratiques et des tactiques différentes : guérilla juridique, pression politique, action de terrain, manifestations, actions de désobéissance.
[42] Voir par exemple

Franck Poupeau, «  La guerre de l’eau. Cochabamba, Bolivie, 1999-2001  », Agone, no 26-27:133-140, 2002
[43] Voir ce rapport notamment publié par l’Observatoire des multinationales : http://www.tni.org/briefing/here-stay-water-remunicipalisation-global-trend
[44] Littéralement «  les textes et parenthèses  » : au sein de l’ONU, lorsqu’un document est rédigé, il comprend un grand nombre de parties entre parenthèses, qui sont autant de parties sur lesquelles l n’y a pas encore d’accord.
Documents joints
24 novembre - PDF - 372.5 ko                                        

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