Vers la COP21 (Article ATTAC)
Depuis plusieurs décennies, le
climat se modifie du fait de l’activité humaine. Les conférences de l’ONU se
succèdent, mais les États ne réduisent pas significativement leurs émissions de
gaz à effet de serre, pendant que les multinationales et la finance étendent
leur emprise sur nos vies et la planète.
C’est le système global dans lequel
nous vivons, notre modèle de développement, qui est insoutenable et qu’il faut
transformer. Et les solutions existent !
Nous pouvons enclencher une
véritable transition vers un système qui vise, non pas le maintien d’un modèle
de croissance infinie, mais l’harmonie entre les humains et la nature et qui
réponde aux besoins de la majorité.
En décembre 2015, la 21e Conférence sur le changement
climatique aura lieu à Paris (Le Bourget). D’ici là, en France et ailleurs,
mobilisons-nous pour une véritable transition et enterrons les fausses
solutions !
Que faire de la 21e conférence des parties de la Convention
cadre des Nations-Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris -
Le Bourget en décembre 2015 ? Les ONG, mouvements sociaux et écologistes
se posent toute une série de questions essentielles dont il faut prendre le
temps de débattre : que faut-il attendre des négociations ? Sur quoi
est-il possible d’influer ? Que faire pour ne pas se retrouver dans la
même situation qu’après Copenhague (2009) ? Quels objectifs se donner ?
Comment travailler en profondeur les exigences de transformation écologique et
sociale au sein de la population ? Quelles initiatives prendre pour
imposer la lutte contre les dérèglements climatiques en haut des priorités
politiques tout en évitant de donner plus de forces à ceux qui veulent imposer
leurs solutions techno-scientifiques et innovations financières ? Sur
quelles bases construire un mouvement pour la justice climatique qui irrigue
largement la société, persiste et se renforce à travers et au-delà de la conférence
Paris2015 ? Comment s’appuyer sur la réussite des manifestations du
21 septembre 2014 ? Quelle place donner aux mobilisations
grandissantes visant à bloquer des projets climaticides et aux initiatives
citoyennes visant à expérimenter et mettre en œuvre dès maintenant le monde
soutenable et résilient qui sera nécessaire demain ? La liste des
questions et des débats en cours au sein des ONG et des mouvements sociaux et
écologiques est longue.
En expliquant pourquoi les contours et le contenu (niveau de
réduction d’émissions, niveau de financements et forme juridique) de l’accord
le plus ambitieux qui pourrait être atteint à Paris en 2015 sont à peu près
déjà connus, ce texte essaie de mettre en lumière pourquoi les ONG et les
mouvements sociaux et écologiques devraient prendre du recul par rapport aux
négociations qui se déroulent au sein de l’ONU. Il s’agit de ne pas reproduire
les erreurs qui ont été faites en amont et pendant la conférence de Copenhague
en 2009. Pour ce faire il est proposé de concentrer les énergies militantes et
citoyennes sur un agenda de mobilisations propres dont la Conférence de l’ONU
COP21 serait une étape et une caisse de résonance dans la perspective de
transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition écologique
et sociale d’ampleur. D’une certaine manière, il s’agit donc, au nom de
l’urgence climatique, de ne pas se limiter à des batailles défensives au sein
des négociations de l’ONU. Au contraire, l’idée est de renforcer toutes les
batailles et propositions offensives et transformatrices que les dynamiques
Blockadia et Alternatiba peuvent porter et incarner. Après les manifestations
massives, à New York et ailleurs, le 21 septembre dernier, il est ici
proposé de faire de Paris2015 un « Seattle des fausses solutions » et
un « Cochabamba de la transition écologique et sociale ». Pour
engager le débat et poursuivre les discussions déjà en cours, la perspective
est clairement énoncée : il s’agit de se donner les moyens de ne pas subir
le cours des négociations de l’ONU. Au contraire il est proposé que les ONG et
les mouvements sociaux et écologistes deviennent prescripteurs d’opinion et
dictent le dernier mot.
Point d’accord juridiquement contraignant à l’horizon !
Pour Laurent Fabius, l’objectif annoncé en septembre 2013
était d’aboutir à « un accord applicable à tous, juridiquement
contraignant et ambitieux, c’est-à-dire permettant de respecter la limite des
2 °C » [1].
À New York, en septembre dernier, François Hollande a même dit que l’horizon
était d’arriver à la « neutralité carbone » [2].
Au regard de ce qui est aujourd’hui sur la table, c’est peu dire que c’est mal
parti. Si un accord est possible en 2015, il ne sera ni juridiquement
contraignant, ni à la hauteur des enjeux. Barack Obama ne veut pas d’accord
juridiquement contraignant en matière de climat [3].
Il l’a clairement affirmé à la fin de l’été [4], préférant un
instrument juridique souple qui invite les États à définir et annoncer, à
intervalles de temps réguliers et de manière unilatérale, leurs propres
engagements (réduction d’émissions, financements, etc.) pour une période
donnée. À travers ce modèle dit de « Name & shame », chaque pays
se verra accorder un satisfecit international si ses objectifs sont jugés
suffisants et s’ils sont atteints, et il sera « couvert de honte »
dans le cas contraire.
Ainsi, à la contrainte juridique, seule à-même d’instituer
une contrainte et un engagement politique, il est préféré une déclaration
d’intention regroupant les engagements propres de chacun des États,
déclarations dont on sait le peu de poids et de constance qu’ils peuvent avoir.
C’est un tournant dans les négociations climat où l’échelon national va primer
sur la fixation et la réalisation d’objectifs globaux. Pour Barack Obama et
l’administration américaine, les affaires intérieures et les équilibres
géopolitiques internationaux priment sur le climat et la nécessité d’aboutir à
un accord contraignant. Ils sont rejoints en cela par de nombreux pays,
notamment la Chine. Ni François Hollande ni Laurent Fabius ne les ont
formellement contredits. Pas plus depuis Paris qu’à New York lors du sommet sur
le climat organisé par Ban Ki-moon, le 23 septembre 2014.
Point d’accord ambitieux à l’horizon !
Pour être à la hauteur des enjeux rappelés par la
synthèse [5]
des rapports du GIEC publiée le 2 novembre dernier, un accord devrait
imposer d’importantes réductions d’émissions de gaz à effets de serre (GES)
d’ici 2020. En effet, selon un rapport du PNUE [6],
si rien ne change, les pays de la planète vont émettre 13 gigatonnes de gaz à
effet de serre équivalents CO2 de trop en 2020 (57 gigatonnes au lieu de 44
gigatonnes de CO2) par rapport aux trajectoires acceptables pour conserver une
chance raisonnable de pouvoir ne pas dépasser les 2°C de réchauffement
climatique maximal d’ici la fin du siècle. Pourtant, à ce jour, aucun pays
n’envisage de revoir à la hausse ses engagements de réduction d’émissions de
gaz à effet de serre d’ici à 2020. Rien n’indique donc que cet écart entre le
souhaitable et le réel se résorbe avant 2020, et il a de fortes chances de
s’aggraver après 2020.
En effet, les premiers engagements mis sur la table pour
l’après 2020 sont très éloignés des recommandations du GIEC. Ainsi, l’Union
européenne [7]
s’est engagée à réduire ses émissions d’au moins 40 % d’ici 2030, un
objectif que les recommandations du GIEC invitent à atteindre dès 2020. Les
États-Unis viennent [8]
eux de s’engager à réduire leurs émissions de 26 à 28 % d’ici à 2025, soit
un objectif d’à peine 0,4% par an par rapport à 1990. Quant à la Chine, elle
s’engage à atteindre un maximum d’émissions avant 2030, ce qui revient à
annoncer qu’elle battra record sur record d’ici là. Sur la base des engagements
américains et chinois, il n’y aurait à peine que 1 % de chance [9]
de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle.
Avec le système voulu par les États-Unis et aujourd’hui soutenu bien plus
largement, qui permet à chaque État de fixer son propre objectif, il n’est plus
question de répartir entre les différents pays un budget carbone maximum
préalablement établi en fonction des exigences et recommandations
scientifiques. C’est à se demander si les gouvernements ne sont pas tout
simplement en train d’abandonner l’objectif des 2°C qu’ils se sont eux-mêmes
fixés lors de nombreuses échéances internationales (négociations ONU, G8, G20
etc), et au delà duquel les dérèglements climatiques seraient dramatiques.
Peu de financements à l’horizon !
Il n’y a point d’accord « ambitieux » sans
financements conséquents sur la table. Décidé à Copenhague, le Fonds Verts pour
le Climat vient à peine de voir le jour. Mais les caisses du fonds restent
(presque) vides. Sur les 100 milliards de dollars par an promis pour financer
la lutte contre le réchauffement climatique, l’adaptation et les conséquences
des phénomènes climatiques extrêmes, à peine un peu plus de deux milliards de
dollars ont été collectés à New York. Les annonces de François Hollande,
voulues tonitruantes, sont en fait dérisoires [10],
et les modalités de leur utilisation sont très discutables [11].
Depuis, les États-Unis et le Japon ont respectivement annoncé contribuer à
hauteur de trois et de un milliard et demi de dollars, sans préciser le nombre
d’années sur lesquelles ils seront étalés. D’autres pays (Royaume-Uni, Italie,
etc) en on fait de même, sans qu’il ne soit encore possible d’atteindre 10
milliards de dollars. Une somme qui ne sera récoltée que sur plusieurs années.
Soit une division par plus de dix comparé à ce qui avait été été promis. À ce
jour il n’est par ailleurs pas garanti que ces financements, s’ils se
confirment, soient publics, additionnels et disponibles sous forme de dons et
non de prêts conditionnés, pas plus qu’il n’est assuré qu’ils soient
prioritairement destinés aux populations qui en ont le plus besoin.
Faut-il appeler les États à passer à l’action ?
Nous ne manquons pourtant pas de données et d’études
scientifiques pour alerter les chefs d’État et de gouvernement et exiger d’eux
qu’ils agissent urgemment. Les derniers rapports du GIEC sont extrêmement
alarmants. Il ne se passe pas un mois sans qu’un nouveau record d’émissions de
gaz à effet de serre ou de chaleur ne soit battu, comme le montrent les
dernières données publiées par l’Organisation météorologique mondiale [12]. Les données et les
rapports d’expertise scientifique s’empilent mais ne déclenchent pas de
politiques à la hauteur des enjeux, prouvant par là-même qu’il n’existe pas de
relation mécanique entre l’accumulation des savoirs scientifiques sur le réchauffement
climatique global et la volonté d’en faire un enjeu politique prioritaire.
Informer les classes dirigeantes des dernières données disponibles n’a,
finalement, pour seule conséquence que d’avoir des classes dirigeantes
informées des dernières données disponibles, mais toujours opposées, hélas, à
engager la transformation d’un système économique insoutenable.
Les appels invitant les « leaders » à
« passer à l’action » ne manquent pas non plus. Dernier appel en
date, les manifestations du 21 septembre dernier dont c’était le mot
d’ordre général, extrêmement large, voulu par les organisateurs [13].
Ces manifestations, comme ce fut déjà le cas à Copenhague en 2009, on été
massives et déterminées. Elle ont été diverses également de par les exigences
exprimées dans les cortèges, y compris pour demander « un changement
de système, pas du climat ». Visiblement, si l’on va au delà des
déclarations d’intention, les « leaders » présents au sommet de Ban
Ki-moon ne souhaitent pas s’attaquer aux causes profondes du réchauffement
climatique [14].
Par conséquent, on se dirige ver les + 4°C, voire les + 6°C d’ici la fin du
siècle. Y a-t-il des « leaders du climat » au sein de l’ONU ?
Les négociations internationales ont débuté à l’orée des années 1990. Depuis,
les émissions mondiales ont augmenté de plus de 60 %, et continuent de
croître, année après année. Responsabilité de la Chine, de l’Inde et du
Brésil ? Pas seulement : l’empreinte carbone de la France a augmenté
de 15 % en vingt ans. Faut-il encore appeler ces « délinquants du
climat » [15]
à « passer l’action » ?
Les fausses solutions vont bon train
Quand les chefs d’État et de gouvernement « passent à
l’action », ils ont tendance à mettre en œuvre un agenda de fausses
solutions. Tout se passe comme si les classes dirigeantes et le business
utilisaient les dernières données et les derniers rapports publiés pour
justifier des décisions et des initiatives qui, tout en donnant l’impression
qu’ils agissent, contribuent à empirer la situation et à renforcer l’emprise de
la finance et des multinationales sur nos économies, sur nos vies et sur la nature.
Le récent sommet sur le climat organisé par Ban Ki-moon à New York en est un
exemple frappant [16].
Il s’est transformé en un salon des fausses solutions.
Pour renchérir l’utilisation des énergies fossiles, on
cherchera à donner un prix au carbone par l’entremise de nouveaux dispositifs
de marché et de finance carbone alors que le marché européen, pionnier en la
matière, s’est révélé inefficace, dangereux, coûteux et non-réformable [17].
Pour optimiser le captage et le stockage du carbone dans les sols et les
forêts, il est proposé d’expérimenter de nouvelles pratiques et techniques
agro-forestières – y compris le développement de nouvelles cultures
génétiquement modifiées – et de les financer à l’aide de nouveaux dispositifs
de finance carbone [18].
Pour que les paysans des pays pauvres puissent faire face aux conséquences des
dérèglements climatiques, on leur vendra des outils sophistiqués de prévision
météorologique et des polices d’assurance. Pour développer les énergies
renouvelables, notamment en Afrique, de vastes programmes d’investissements,
confiés aux multinationales et aux marchés financiers, seront lancés pour
réaliser des méga-infrastructures, destinées à alimenter de grands projets
miniers et industriels, et souvent inutiles et inadaptées aux besoins des
populations. La liste est malheureusement longue.
Faut-il pour autant abandonner l’ONU ?
S’il apparaît improbable [19]
d’obtenir un accord juridiquement contraignant, juste et à la hauteur des
enjeux à Paris en 2015 et que ces conférences internationales servent
aujourd’hui à promouvoir des fausses solutions, alors ne faut-il tout
simplement pas abandonner le terrain de l’ONU ? Certains le pensent et
considèrent que les ONG et les mouvements n’ont rien à y faire, pire, se
fourvoient à continuer d’assister aux négociations : par leur présence,
ils ne feraient que légitimer un espace et des procédures de gouvernement qui
institutionnalisent et adoucissent les voix critiques, tout en permettant de
faire perdurer un modèle économique international insoutenable et à l’origine
des dérèglements climatiques.
Ces critiques ne sont pas infondées, notamment parce que les
ONG et les mouvements ont certainement contribué à laisser entendre que les
conférences de l’ONU pouvaient véritablement « sauver le climat » et
que nous étions finalement tous sur le même bateau. Néanmoins, déserter l’ONU
laisserait le champ libre à ceux qui ambitionnent d’étendre l’emprise des
multinationales, de la finance et des techno-sciences sur le climat. Quitter
l’ONU et ne plus avoir la possibilité de suivre avec précision les négociations
reviendrait à accepter que les États puissent se satisfaire d’objectifs de
réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de financements très en-deçà
des exigences. Se retirer de l’ONU cautionnerait l’emprise croissante du
secteur privé sur les instances et programmes de l’ONU alors que la société civile
clame depuis des années vouloir prendre possession d’une instance supposée
incarner ses intérêts, ceux des « peuples des Nations-Unies » [20].
Au sein de l’ONU, une série de batailles… défensives.
S’il est sans doute préférable de ne pas abandonner le
terrain de l’ONU, encore faut-il caractériser, avec lucidité et sans se voiler
la face, ce qu’il est possible de faire sur ce terrain, et à quelles
conditions. En un sens, faisons preuve de réalisme et de pragmatisme :
tenons compte du fait que ces négociations ne se déroulent pas à l’extérieur
d’une situation géopolitique, économique et financière qui en détermine
largement les limites. Commençons par reconnaître et accepter que la majorité
des batailles à mener au sein de l’ONU sont des batailles défensives. Des
batailles pour ne pas trop perdre. Des batailles pour que les objectifs de
réduction d’émissions et les niveaux de financements soient les moins pires
possibles. Des batailles pour que les conséquences des dérèglements climatiques
sur les populations les plus démunies soient mieux prises en compte. Des
batailles pour stopper l’expansion de la finance carbone et des solutions
techno-scientifiques. Des batailles pour combattre l’emprise des intérêts
privés sur les négociations. Ce sont autant de batailles essentielles. Mais ce
sont des batailles défensives au sens où elles portent sur un agenda de
négociations que les gouvernements se sont donnés et qui n’est pas celui que
les ONG, les mouvements et les populations veulent imposer aux gouvernements.
Ces batailles ne sont pas en mesure d’intéresser et de
mobiliser au delà des cercles avertis car, en plus d’être souvent exprimées
dans le langage codé des négociations, elles ne donnent pas immédiatement à
voir le projet de société qui est envisagé, promu et défendu. Au contraire, compte
tenu de l’imbrication des négociations dans de puissants rapports de force
géopolitiques et de l’inaction des gouvernements, ces batailles peuvent être
décourageantes et générer de la frustration et de la déception. Frustration et
déception dont on ne sait qu’elles ne peuvent être les moteurs de l’engagement
citoyen. Enfin, ces batailles sont défensives car il n’y a plus de pays ou de
groupes de pays avec lesquels les mouvements pour la justice climatique
pourraient partager une stratégie commune et passer alliance. Bien-entendu, il
reste bien quelques pays avec lesquels il est possible d’essayer de bloquer ou
de renforcer tel ou tel point spécifique des négociations. Mais c’est autre
chose que de partager une stratégie commune. Ainsi l’Union européenne n’est
désormais plus légitime pour incarner un rôle d’exemple [21],
tandis que les pays de l’Alba (Bolivie, Equateur, Venezuela etc.), bien que
toujours véhéments dans les discours, n’ont plus la volonté de transformer en
profondeur les négociations [22].
Pas plus que l’alliance des petites îles (Aosis - Alliance of Small Island
States) qui comprend de riches îles-État comme Singapour très intégrées au cœur
du capitalisme mondial.
Des batailles défensives aux batailles offensives
Dès lors que faire ? Que faire pour qu’à la
sidération [23]
on n’ajoute pas le découragement et l’impuissance ? Vaste question à
laquelle il n’y a pas de réponse aisée et définitive. Bien-entendu, les
récentes mobilisations sur le climat, comme les manifestations massives du
21 septembre dernier [24]
ou le succès du processus Alternatiba [25],
sont des dynamiques positives sur lesquelles prendre appui. Néanmoins, ce ne
sont pas les premières mobilisations citoyennes réussies en matière de lutte
contre les dérèglements climatiques. En mêlant une manifestation réussie (100
000 personnes), un sommet alternatif de qualité et des actions de désobéissance
civile massives, la mobilisation citoyenne lors de la conférence de Copenhague
fut une très grande réussite. Et pourtant, une grande part des représentants
d’ONG et des militants des mouvements sociaux et écologistes sont repartis avec
la gueule de bois.
Venus « sauver le climat », encouragés en cela par
une série d’ONG ayant fait de Copenhague « le sommet de la dernière
chance », ils ne pouvaient qu’être déçus du résultat des négociations.
Tout comme la majorité de toutes celles et tous ceux qui, restés dans leurs
pays, regardaient cette conférence avec un œil attentif. Pourtant le résultat
des négociations de Copenhague était prévisible pour qui voulait bien tenir
compte des réalités géopolitiques mondiales. Or, le climat ne sera pas plus
sauvé à Paris qu’il ne l’a été à Copenhague. Pas plus qu’il ne sera possible
d’y obtenir un accord ambitieux et contraignant. Bien sûr, on peut refuser de
voir les choses en face et appeler de nouveau, comme le font certains, à se
mobiliser pour « sauver le climat » à Paris, sans préciser les
contours des objectifs que l’on se donne. Comme cela n’arrivera pas – les
contours d’un éventuel futur accord et les engagements des pays sont pour
l’essentiel déjà connus – une nouvelle gueule de bois serait assurée et nous
connaîtrons un reflux des mobilisations et implications citoyennes dans les
mois qui suivront. Bis repetita après Copenhague.
Une autre option consiste à ne pas se raconter d’histoire.
Oui, bien sûr, il faut « passer à l’action ». Mais les mouvements
pour la justice climatique ne peuvent se satisfaire que les gouvernements et le
secteur privé « fassent quelque chose » (« Do something »).
Ils ne peuvent se satisfaire de l’agenda étroit des négociations et des
dynamiques actuelles concourant à un accord qui ne sera pas à la hauteur des
enjeux. Non, ce que nous voulons, c’est tout changer ! (« We want to
change everything »). Pas parce que cela nous amuse. Pas parce que nous
préférons nous fixer des objectifs très ambitieux plutôt que de mettre en œuvre
une stratégie des petits pas – stratégie qui montre toutes ses limites en
matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Pas non plus parce que
nous vivons dans l’illusion du grand soir ou du petit matin. Nous voulons
« tout changer » parce que c’est la crise climatique et la nécessaire
justice climatique qui l’exigent, lorsqu’on en tire toutes les conséquences.
Comme le montre Naomi Klein dans son nouveau livre [26],
c’est notre modèle de développement, le capitalisme néolibéral et ses exigences
de rentabilité économique et financière, qui est insoutenable et qu’il faut transformer
en un système qui vise, non pas le maintien d’un modèle de croissance infinie,
mais l’harmonie entre les humains et la nature et qui réponde aux besoins de la
majorité [27].
« Changer le système », mais pas avec n’importe
qui !
Justement, en matière de climat, si rien n’a été fait qui ne
soit à la hauteur des enjeux, c’est parce que les véritables solutions à la
crise climatique entrent nécessairement en conflit avec le modèle économique
dominant et l’idéologie qui le porte. Sobriété et efficacité énergétique,
décentralisation et démocratisation des systèmes énergétiques, souveraineté
alimentaire et agro-écologie paysanne, relocalisation des productions et des
consommations, égalisation des modes de vie dans le cadre d’une politique du
bien-vivre et de décroissance de l’empreinte écologique, coopération et
solidarité économiques, etc. Les solutions aux dérèglements climatiques se
heurtent frontalement aux politiques de compétitivité et aux politiques de
libéralisation des échanges et des investissements qui génèrent une mise en
concurrence accrue des populations et des territoires les uns avec les autres.
Là où les premières s’appuient sur des principes de respect des grands
équilibres écologiques et de coopération entre les populations pour construire
un avenir commun, les politiques de compétitivité et de libéralisation font
primer les exigences de rentabilité économique et financière sur tout le reste,
y compris les exigences climatiques.
Pour « sauver le climat », il ne peut y avoir
d’accommodements raisonnables avec les modes de développement productivistes
insoutenables. Il est nécessaire de s’adresser aux causes structurelles des
dérèglements climatiques. À ce compte-là, il ne peut y avoir de jeu
gagnant-gagnant avec ceux qui défendent un modèle économique basé sur les
énergies fossiles, à commencer par les multinationales du pétrole. Il faut
l’assumer. Et les bloquer là où leur agenda avance. Ainsi, en est-il des
accords de libre-échange et d’investissements que l’UE négocie respectivement
avec le Canada (CETA) et les États-Unis (TAFTA), , qui visent à étendre la
production et le commerce des hydrocarbures non conventionnels (sables
bitumineux, gaz et pétrole de schiste) des deux côtés de l’Atlantique. Les
politiques de libre-échange et d’investissements structurent nos économies et
nos sociétés de telle sorte qu’elles deviennent très fortement dépendantes des
importations et exportations d’énergies fossiles, tout en réduisant les
capacités de mise en œuvre de véritables politiques de transition
énergétique [28].
Pour imposer nos solutions, il faut faire refluer l’agenda du business as
usual. Tout le monde n’a pas intérêt à changer de système. Nous n’avons pas
intérêt à ce que tout le monde continue à agir [29].
Décentrer notre stratégie : de la COP21 à Paris2015
Une transformation si profonde des sociétés et des économies
ne se fera pas en deux coups de cuillère à pot. C’est une évidence. Nous ne
l’obtiendrons pas et nous ne l’imposerons pas lors d’un conférence de l’ONU
telle que la COP21 de Paris2015. C’est une autre évidence. Est-ce suffisant
pour en délégitimer l’horizon et ranger cette ambition sous le paillasson du
réalo-pragmatisme qui nous inviterait à nous restreindre à ce qui pourrait être
avalisé par des chefs d’État si peu ambitieux et si peu exigeants ? À
l’inverse de certains, nous ne le croyons pas. Au contraire. ONG et mouvements
sociaux et écologistes devraient se fixer pour objectif de réencastrer les
négociations et politiques portant sur le climat dans une bataille généralisée
visant à transformer profondément le capitalisme néolibéral productiviste et
dévastateur qui sévit partout sur la planète. Le fait qu’il n’y ait pas grand
chose de tangible, pas grand chose à gagner, et rien qui ne soit à la hauteur
des enjeux, dans les négociations, rebat les cartes. La majorité des
organisations de la société civile l’a d’ailleurs montré lors de la conférence
de Varsovie en 2013 en décidant de quitter les négociations [30].
Par ailleurs, certaines institutions internationales, comme la Banque mondiale,
ont décidé de ne pas attendre un accord international au sein de l’ONU pour
mettre en œuvre leurs projets [31]
en matière climatique, et nous invitent donc à ne pas se focaliser uniquement
sur les conférences de l’ONU sur les dérèglements climatiques.
En continuant à agir comme ils le font, les gouvernements
disent à l’opinion publique internationale qu’il n’y a pas grand chose
d’ambitieux à gagner lors de la COP21. Ce faisant, ils offrent l’opportunité à
la société civile de délaisser les « texts and brackets » [32]
des négociations pour se concentrer sur une stratégie de long terme, dont
Paris2015 ne serait qu’une étape, qu’une caisse de résonance, visant à
transformer durablement le rapport de force en faveur d’une transition
écologique et sociale d’ampleur. En quelque sorte, c’est au nom de l’urgence de
l’action pour le climat qu’il faudrait urgemment ne plus se focaliser sur la
Convention climat de l’ONU, ne plus se perdre dans la technicité des
négociations. Ainsi, il serait possible de dégager du temps et de l’énergie
pour prendre du recul et se servir de Paris2015 comme d’un moment clef dans la
perspective d’accumuler de la force et de l’énergie qui nous seront absolument
nécessaires dans les mois qui suivront. Bien-entendu, ceci ne signifie pas
qu’il faille se désintéresser complètement des négociations et de l’ONU. Cela
signifie au contraire qu’il faudrait utiliser ce rendez-vous pour décentrer
l’attention, pour imposer notre propre agenda et pour mener toute une série de
batailles clefs gagnables et qui ne se jouent pas nécessairement à l’intérieur
de l’ONU. En un sens, passer de l’appellation COP21 à Paris2015 revient à ne
pas réduire la lutte contre le changement climatique aux négociations de l’ONU,
et au contraire à l’élargir à toute une série de problématiques et conflits en
cours qui n’y sont pas systématiquement rattachés.
De la justice climatique à Alternatiba et Blockadia
Les bilans d’après Copenhague des coalitions Climate Justice
Action [33]
et Climate Justice Now ! [34]pointaient
déjà la nécessité de ne plus faire dépendre la construction d’un mouvement
global pour la justice climatique de l’agenda des sommets globaux : après
le succès de l’action de désobéissance civile non violente Reclaim Power [35]
du 16 décembre 2009, engagement avait été pris de décentraliser et
démultiplier l’organisation d’assemblées des peuples, au niveau local et
régional [36].
Contre les projets climaticides et pour mettre en œuvre des solutions directes,
il s’agissait de s’appuyer sur des formes de solidarités translocales – des
solidarités entre des luttes ou des alternatives ancrées sur les territoires –
comme vecteur de la construction d’un mouvement global. Ce défi, colossal, est
toujours présent : comment relocaliser et ancrer nos imaginaires et nos
mobilisations dans des expériences et des réalités concrètes, y compris de la
vie quotidienne [37],
dans la perspective de redécouvrir notre puissance d’agir collective ? Une
puissance d’agir qui sera d’autant plus forte, et plus large, si nous sommes en
mesure de nous dégager d’une logique de sensibilisation et de mobilisations
citoyennes qui repose sans doute trop sur une heuristique de la science et de
l’expertise : il ne suffit pas de savoir que le réchauffement climatique
est là pour passer à l’action. Si l’empilement des rapports d’expertise
n’implique pas mécaniquement des mesures et des politiques à la hauteur des
enjeux, il ne déclenche pas non plus la mobilisation citoyenne générale. Au
contraire, cette seule approche génère sans doute plus de sidération que
d’engagement.
Deux dynamiques citoyennes nous semblent contribuer à ce
processus de relocalisation des luttes et des imaginaires tout en conservant la
perspective d’un mouvement global pour la justice climatique se confrontant aux
causes structurelles du réchauffement climatique. La première s’appuie sur les
« frontline struggles », ces luttes qui visent à stopper l’expansion
de la frontière extractiviste (des hydrocarbures de schiste aux nouveaux
projets miniers) et la construction de nouvelles infrastructures inutiles,
imposées et inadaptées (aéroports, autoroutes, barrages, stades, etc.). À la
suite des puissantes mobilisations en Amérique du Nord contre la construction
de nouveaux pipelines visant à exporter le pétrole issu des sables bitumineux
d’Alberta (Canada), nous pourrions appeler cette dynamique de mobilisation
internationale Blockadia [38].
Sur l’autre versant se situe la dynamique d’innovation, de développement, de
renforcement et de mise en lumière des expériences alternatives concrètes,
qu’elles soient locales ou à prétention régionale et globale-, et qui visent à
transformer profondément nos modèles de production et de consommation jusqu’ici
insoutenables. En empruntant le terme au processus lancé en octobre 2013 à
Bayonne (Pays Basque) par Bizi ! et des dizaines d’organisations basques,
espagnoles et françaises, nous pourrions, par extension, appeler Alternatiba
cette dynamique citoyenne à l’oeuvre, sous des formes différentes, aux quatre
coins de la planète.
Ces deux dynamiques incarnent clairement un virage
éco-territorial des luttes sociales, pour reprendre le terme que la sociologue
argentine Maristella Svampa [39]
utilise pour caractériser l’essor des luttes en Amérique latine qui mêlent
langage écologiste et pratique de la résistance et de l’alternative inscrite
dans des territoires. Le territoire n’est pas ici un confetti qu’il faudrait
sauver des dégâts du productivisme, de l’industrialisation ou de la mondialisation
néolibérale. Il est au contraire l’espace à partir duquel se construisent
résistances et alternatives, c’est-à-dire à partir duquel se pense et
s’expérimente le dépassement des modèles économiques, financiers et
technologiques insoutenables actuels. Ici, aucun égoïsme du type « je ne
veux pas de ce projet chez moi, ailleurs, je m’en fiche » : la
préservation, la promotion et la résilience de tous les territoires
représentent l’horizon d’ensemble. D’une certaine façon, les mobilisations
contre les gaz et pétrole de schiste, en France et dans de nombreux autres
pays, qui clament « Ni ici ni ailleurs » [40],
notamment lorsqu’elles se doublent d’exigences de transition énergétique
radicale, participent de cette même logique.
Élargissement et radicalisation pour imposer la transition
écologique et sociale
De notre point de vue, si ces deux processus ont des points
de départ distincts, ils ouvrent des espaces qui sont source à la fois
d’élargissement et de radicalisation des dynamiques citoyennes pour la justice
climatique. Elargissement parce qu’en s’appuyant respectivement sur
l’opposition à un projet dévastateur qui touche notre quotidien, et sur le
développement d’expériences qui améliorent notre quotidien et donne à voir le
monde de demain, ces deux processus rendent possibles l’inclusion de franges de
la population qui ne s’impliqueraient pas dans des espaces militants
classiques. Il n’y a point besoin d’être expert-e-s en climatologie ou science
de l’environnement pour s’impliquer dans ces dynamiques. Ce sont par ailleurs
deux processus qui autorisent la juxtaposition de pratiques, tactiques et
stratégies diverses et variées [41] :
il est possible de s’engager sans avoir à se conformer à un moule militant
souvent perçu et vécu comme trop étroit. Cet élargissement est également un
processus de radicalisation, ne présageant pas de la « radicalité »
des participants : se confronter à la puissance des promoteurs des projets
climaticides ou à la difficulté de déploiement des alternatives concrètes à
grande échelle, permet de toucher du doigt que la lutte contre le changement
climatique n’est pas soluble dans un grand récit de l’unification de l’espèce
humaine, du dépassement de tous les clivages.
Hydrocarbures de schiste, expansion de la frontière
extractiviste, grands et petits projets inutiles, accords de libre-échange et
d’investissements, dispositifs de financiarisation de la nature, agro-industrie
et OGM, nucléaire, accroissement des inégalités, lobbying effréné des
multinationales, banques climaticides, les luttes locales et les batailles
globales pour affaiblir tous ceux qui entravent la lutte contre les
dérèglements climatiques ne manquent pas. Tout comme les batailles pour mettre
en œuvre des expériences alternatives concrètes : souveraineté alimentaire
et agroécologie paysannes, circuits-courts, relocalisation de l’économie,
partage du travail et des richesses, isolation des logements, reconversion
sociale et écologique de la production en assurant le maintien des emplois,
réappropriation et promotion des biens communs, réparation et recyclage,
réduction des déchets, transports doux et mobilité soutenable, éco-rénovation,
énergies renouvelables, etc. Du côté des dynamiques Blockadia et Alternatiba,
il est clairement assumé que la transition écologique et sociale nécessite de
profonds changements structurels que les élites rejettent pour ne pas
transformer un système politique et économique qui assure leur domination et
leur puissance. Pour faire refluer l’emprise des multinationales et des
intérêts privés sur nos vies, la nature et notre avenir, appuyons-nous donc sur
ces luttes et ces alternatives afin de les renforcer et de les rendre
incontournables.
Faire de Paris2015 un « Seattle des fausses
solutions » et un « Cochabamba de nos solutions » !
Faire de Paris2015 un « Seattle des fausses
solutions » revient à travailler pour que Paris2015 soit un moment
fondateur du mouvement pour la justice climatique comme Seattle et Cochabamba
le furent pour le mouvement altermondialiste, afin d’ébranler, et enterrer si
nous le pouvons, toutes ces promesses techno-scientifiques et néolibérales
consistant à affirmer que de nouvelles technologies, des investissements de
multinationales et des mécanismes de marché peuvent solutionner la crise
climatique. La référence à Seattle fait écho aux actions de désobéissance
civile dont nous avons besoin pour démontrer l’illégitimité de toutes les
fausses solutions qui sont promues lors des conférences de l’ONU sur le
changement climatique. La référence à Cochabamba [42]
renvoie elle à l’un des moments fondateurs des luttes contre les
multinationales visant à se réapproprier l’eau qui a conduit à plus de 180 cas
de remunicipalisation de l’eau dans le monde en quinze ans [43].
Cela revient à faire de Paris2015 un moment, parmi d’autres, de la construction
d’un mouvement international pour la justice climatique qui soit capable de se
mobiliser dans la durée et d’accumuler de la force, d’engranger des petites et
des grandes victoires tout en racontant une histoire mobilisatrice. Moins
focalisés sur « les texts and brackets » [44],
et plus sur notre propre agenda, sur la construction de nos « actions et
alternatives ».
Cette référence à Seattle n’est pas nouvelle. Déjà à
Copenhague, en 2009, nous avions évoqué un « Seattle-like-moment »,
en nous appuyant sur une mobilisation citoyenne massive et dynamique, mêlant à
des initiatives classiques (manifestation, sommet des peuples etc.) des actions
de désobéissance civile d’ampleur (l’action Reclaim Power du 16 décembre)
et une articulation plutôt réussie entre l’intérieur et l’extérieur des
négociations. Néanmoins, en positionnant la grande manifestation le week-end
situé entre les deux semaines de négociation, et les actions en amont de la fin
du sommet, que ce soit à Copenhague ou ailleurs, la société civile
internationale raconte peu ou prou la même histoire, quel que soit son mot
d’ordre : « à vous les gouvernements d’agir pour lutter efficacement
contre les dérèglements climatiques ». Cela revient à donner les clefs aux
gouvernements et attendre qu’ils agissent. Puisqu’ils n’agissent pas, pas
assez, ou pas dans la bonne direction, la fatigue et la déception ne peuvent que
l’emporter à la fin.
Avoir le dernier mot !
Une autre option consisterait à construire les différents
temps de mobilisation de manière à avoir le dernier mot à Paris. Si nous
décidons de faire de Paris2015 une étape de la construction de la mobilisation
pour la justice climatique, une caisse de résonance pour faire avancer nos
luttes et emmagasiner de la force, alors pourquoi ne pas positionner l’apex des
mobilisations à la fin des négociations ? Ainsi, la colère née des
errements et des limites des négociations pourrait nourrir les manifestations
et les actions massives de désobéissance civile que nous pourrions organiser en
fin de négociations. Nous pourrions galvaniser les énergies lors des tous
derniers jours : « vous, les gouvernements, vous parlez et négociez
pour le pire, vous les multinationales utilisez les négociations pour maintenir
votre emprise sur notre futur, nous, les peuples, nous marchons et nous
agissons pour changer de système et nous ne lâcherons jamais ». Une telle
proposition ne signifie pas abandonner toute volonté d’influer sur l’ONU, les
États et les négociations. D’une part parce qu’il est tout à fait envisageable
d’organiser des mobilisations décentralisées tout au long de l’année 2015 en ce
sens, y compris lors du début des négociations. D’autre part parce que
positionner les mobilisations massives lors des derniers jours laisse
l’opportunité de faire dérailler les négociations s’il est jugé pertinent de le
faire.
Par contre, une telle proposition raconte une toute autre
histoire que celle consistant à manifester au cœur des deux semaines de
négociations pour faire pression sur l’ONU, les États et les négociations. S’il
suffisait de manifester quelques jours avant la clôture des négociations pour
influer sur le résultat, Copenhague, lieu de la plus grande manifestation
jamais organisée sur les défis climatiques à l’époque, aurait eu un tout autre
résultat. Différer le gros des mobilisations citoyennes à la fin de la COP21 de
Paris2015, c’est se donner la possibilité de dicter le dernier mot et de ne pas
le laisser à d’autres. C’est abandonner le rôle de spectateur et de
commentateur auquel nous sommes cantonnés dans les dernières heures des
négociations et, au contraire, utiliser l’incertitude qui les entoure, pour
devenir prescripteur d’opinion en imposant notre grille de lecture, et nos
perspectives, dans l’espace public. Point de déception et de gueule de bois en
fin de négociations, mais au contraire l’énergie et la détermination générées
et communiquées par des mobilisations citoyennes réussies. De quoi construire
au lendemain de Paris2015, dans nos pays, territoires et secteurs respectifs,
ce que la déception et la gueule de bois ne permettent pas de faire. Car
« nous ne lâcherons plus jamais » !
Remerciements : ce texte n’aurait jamais vu le jour
sans les très nombreuses discussions menées dans Attac France, avec de
nombreuses organisations associatives et syndicales et de nombreux chercheurs
ou experts sur ces questions, menées ces dernières années. Il doit beaucoup aux
discussions, remarques et critiques de Nicolas Haeringer, Geneviève Azam,
Christophe Aguiton, Jeanne Planche, Txetx Etcheverry et de nombreux autres que
je ne peux nommer ici. Bien-entendu, je suis le seul responsable des propos
qu’il comprend.
Notes
[1] Discours de Laurent Fabius - Présentation du rapport
du GIEC (30 septembre 2013) - http://attac.org/l/46h
[2] Entendu comme un niveau d’émissions de gaz à effet de
serre « compatible avec des capacités d’absorption de la
planète ».
[3] Notons par contre que des accords hyper contraignants
sont recherchés en matière de commerce et d’investissements.
[7] La société civile exige entre 55 % et 80 %
de réductions d’émissions d’ici à 2030 pour les « pays
développés ».
[8] Voir : http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/121114/climat-lannonce-etats-unis-chine-est-elle-historique-pas-vraiment
[10] Climat : effets d’annonce et vrais renoncements
- https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/climat-effets-d-annonce-et-vrais
[11] « Le fonds vert sera une opportunité
considérable pour les entreprises, pour aller vers la transition énergétique.
Le fonds vert sera aussi une opportunité de croissance ».
[13] Voir cette analyse critique - Face au changement
climatique, une nécessaire clarification stratégique - http://blogs.mediapart.fr/edition/transition-energetique/article/190914/face-au-changement-climatique-une-necessaire-clarification-strategique
[15] À Durban, en 2012, Anjali Appadurai, étudiante
canadienne a déclaré : « vous avez négocié tout au long de ma
vie » et « « vous avez omis de prendre des
engagements, vous avez manqué vos objectifs, et vous avez cassé des
promesses »
[16] Voir : https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports-37/article/nouveaux-mecanismes-financiers
[17] Voir : https://france.attac.org/actus-et-medias/le-flux/articles/il-est-temps-de-mettre-fin-au-marche-du-carbone-europeen
[18] Voir cette note sur l’alliance pour
« l’agriculture intelligente face au climat » : http://www.mediapart.fr/files/Note_Climate_Smart_Agriculture_vfin.pdf
[19] Les négociations se déroulent dans le cadre de la
plateforme de Durban, adoptée fin 2011. Selon le New York Times, Todd Stern, le
négociateur en chef des États-Unis a affirmé à Davos début 2012, que cette
plateforme était « prometteuse pour ce qu’elle ne dit
pas ». Un de ses collaborateurs a précisé ce point en affirmant
qu’elle ne faisait pas mention des responsabilités historiques ou des émissions
par tête, et que ne sont pas différenciés les pays développés et les pays en
développement ».
[20] Voir le préambule de la Charte des
Nations-Unies : http://www.un.org/fr/documents/charter/preamb.shtml
[21] Qu’on l’ait critiqué – c’est notre cas – ou appuyé,
le leadership européen en matière de lutte contre les dérèglements climatiques
reposait sur deux piliers : des objectifs de réduction d’émissions et un
marché du carbone européen (ETS) considéré comme l’instrument de choix pour
réaliser ces réductions. En 2014, les objectifs de réduction d’émissions pour
2020 et 2030 sont inconséquents, et le marché du carbone est défaillant et
irréformable.
[22] Sans même évoquer ici les contradictions entre leurs
engagements internationaux et leurs politiques nationales.
[23] Les défis climatiques sont souvent perçus comme
éloignés des capacités d’action quotidienne de la majorité de la population
[24] Christophe Aguiton, Après le succès de la marche pour
le climat de New York, trois défis pour le mouvement pour la justice climatique
https://france.attac.org/se-mobiliser/vers-la-cop21/article/apres-le-succes-de-la-marche-pour
[25] Alternatiba continue d’avancer, http://blogs.mediapart.fr/blog/alternatiba/271014/alternatiba-continue-d-avancer
[26] ’This Changes Everything : Capitalism vs the
Climate’ est sorti mi-septembre aux États-Unis et dans plusieurs pays
anglo-saxons. L’ouvrage sera disponible en France au printemps 2015, aux
éditions Actes Sud.
[29] Face au changement climatique, une nécessaire
clarification stratégique - http://blogs.mediapart.fr/edition/transition-energetique/article/190914/face-au-changement-climatique-une-necessaire-clarification-strategique
[30] Climat : les mouvements et ONG quittent les
négociations – Explications ! http://blogs.mediapart.fr/blog/attac-france/211113/climat-les-mouvements-et-ong-quittent-les-negociations-explications
[31] En l’occurrence la mise en œuvre d’un prix mondial du
carbone à travers la connexion des expériences locales, nationales et
régionales des marchés et des taxes carbone.
[32] Littéralement les « textes et
parenthèses ». Dans les négociations, les propositions de texte
d’accord comportent initialement des parenthèses pour toutes les parties qui ne
sont pas validées. Il est devenu classique de se moquer de ces
« brackets » souvent plus conséquentes que la partie du
texte validée.
[33] Climate Justice Action était un réseau d’activistes
promoteurs d’actions directes durant la conférence de Copenhague : http://en.wikipedia.org/wiki/Climate_Justice_Action
[34] Climate Justice Now ! est l’une des deux
coalitions internationales de réseaux et d’organisation, avec le CAN, reconnues
par les Nations-Unies et qui insiste sur l’importance de la justice sociale et
bataille contre les « fausses solutions », y compris la
finance carbone - http://www.climate-justice-now.org/fr/
[36] Voir ce texte d’Olivier de Marcellus, militant suisse
engagé dans CJN et CJA : http://www.commoner.org.uk/?p=88
[37] Jade Lindgaard, Je crise climatique, Editions La
Découverte, Paris, 2014
[38] C’est également le terme choisi par Naomi Klein dans
son nouveau livre.
[39] Maristella Svampa, Consenso de los Commodities, Giro
Ecoterritorial y Pensamiento crítico en América Latina, http://maristellasvampa.net/archivos/ensayo59.pdf
[40] Voir Maxime Combes, Let’s frack the
fracking companies, http://www.ejolt.org/2012/09/global-frackdown-on-fracking-companies/
[41] Le mouvement contre les gaz de schiste ne pourrait avoir
obtenu de tels succès s’il n’avait pas pu faire cohabiter des pratiques et des
tactiques différentes : guérilla juridique, pression politique, action de
terrain, manifestations, actions de désobéissance.
[42] Voir par exemple
Franck Poupeau, « La guerre de l’eau. Cochabamba, Bolivie, 1999-2001 », Agone, no 26-27:133-140, 2002
Franck Poupeau, « La guerre de l’eau. Cochabamba, Bolivie, 1999-2001 », Agone, no 26-27:133-140, 2002
[43] Voir ce rapport notamment publié par l’Observatoire
des multinationales : http://www.tni.org/briefing/here-stay-water-remunicipalisation-global-trend
[44] Littéralement « les textes et
parenthèses » : au sein de l’ONU, lorsqu’un document est
rédigé, il comprend un grand nombre de parties entre parenthèses, qui sont
autant de parties sur lesquelles l n’y a pas encore d’accord.
Documents joints
24 novembre - PDF - 372.5 ko