Forum Social Local du Gard

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C’est un « forum » de rencontre et de convergence des mouvements, des résistances, des luttes et des alternatives sur un territoire...
pour construire ici et maintenant cet “autre monde possible“, solidaire, écologique, démocratique...

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AL3_1 RUPTURE ET TRANSITION

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RUPTURE ET TRANSITION : Ou allons nous ?
          Philippe Martin 

Contribution partielle à l’occasion des RENCONTRES DE L’ECOLOGIE RADICALE « CLIMAT SOCIAL » SUD EST.
NIMES, le samedi 31 janvier.


Le constat est commun : Renouvellement nécessaire de la démocratie et des institutions ; Urgence d’une transition ; Remise en cause de la « croissance ».

Nous sommes devant une bifurcation, il nous faut prendre une autre voie de toute urgence. Une élévation de la température de 4/6°C sera cataclysmique et il est déjà tard. Arrêter tout rejet de CO2 aujourd’hui n’empêchera pas une augmentation de 1,6°C qui demandera de grosses adaptations et nous en sommes très loin.

Les gens restent sceptiques parce qu’ils n’arrivent pas à croire que nos dirigeants continuent à ne rien faire alors que la survie de l’humanité est en jeu. Bien sur, c’est d’abord la survie des plus pauvres dans nos frontières mais aussi dans les pays insulaires et sub-sahariens qui vont disparaitre, sous les eaux ou dans les sables! 

Merci pour le fonds vert de 100 milliards de dollars par an abondé à concurrence de 10 milliards qui doit nous permettre de nous adapter au changement climatique. Merci de votre générosité.  Merci pour la prise de conscience de votre responsabilité historique dans le désastre et dans son traitement.

C’est eux ou nous. C’est une chose ou l’autre.

Rupture, donc,  parce qu’il faut d’abord faire un choix, un peu comme pour un traitement anti biotiques ou l’utilisation de pesticides : Vous ne pouvez pas les diminuer pour avoir moins d’effets indésirables  sinon le traitement n’a plus d’effets ou deviens contre productif (résistances).

Si vous voulez passer à un autre modèle de développement, il faut arrêter celui là, le bloquer et ensuite il y à la “transition” vers autre chose de plus bénéfique pour tous et pour l’écosystème. Sinon vous pouvez enterrer le CO2, les déchets nucléaires et l’humanité avec.

L’écologie radicale ce n’est rien d’autre qu’aller à la racine de ce mal, elle ne peut être dans le compromis (faire plus, aller plus vite) ou la recherche de petits acquis, d’améliorations à la marge ou pire encore adhérer à la « bio-mascarade » du « capitalisme vert ». En sachant que le capitalisme se nourrit de la crise et de ses propres méfaits (accès au pétrole de l’arctique, destruction des droits sociaux…).

L’écologie comme alternative ne peut être qu’anti capitaliste ou inutile et mensongère.

Il faut gagner les consciences, libérer, stimuler l’imaginaire, apporter une réponse concrète sur un large spectre pour mobiliser largement. Aujourd’hui le budget des familles est si contraint que la précarité énergétique touche 5 millions de ménages (20% de la population). Comment mobiliser ces populations ?


LES TERRITOIRES : AUTONOMIE ET TRANSITION ?

Nous parlons de territoires à taille humaine qui rendent possible la démocratie de proximité. Sans cette base à construire rien n’est possible. En ce sens la « réforme territoriale » est catastrophique en mettant hors de porté les lieux de décision. Le département est le dernier soutien possible à cette relocalisation démocratique. 

Ces territoires doivent remplir deux conditions au moins : Un niveau délibératif et décisionnel accessible au plus grand nombre ; Une communauté de moyens et de besoins locaux. 
Parenthèse personnelle : L’échelle du « PAYS » pourrait être la bonne (ex : petite Camargue) pour les zones rurales et semi urbaines et les Agglos. pour les zones urbaines.

Attention nous parlons de territoires, de décentralisation de l’Etat et non des collectivités locales qui doivent conserver leurs compétences générales avec les moyens correspondants. Pour les communes ces territoires sont des lieux de péréquation, de collaboration, de mise en réseaux.
Dans l’immédiat, les cantons ou des regroupements cantonaux peuvent être le siège de telles dynamiques de réappropriation citoyenne et populaire.

L’égalité des territoires et leur autonomisation suppose une communauté légale plus large (Région, Nation…). Les versions peuvent varier depuis le fédéralisme libertaire jusqu’à la supranationalité mais toutes nécessitent une légitimité et un contrôle populaire.

La transition est avant tout une construction politique.

Il faut en finir avec une certaine illusion d’un monde angélique, pacifié, communautaire ou tout serait transparent et où il n’y aurait plus de conflits. Le monde de la transition ne sera pas sans violence, sans contradictions, sans lutte des classes. Il faudra donc des institutions solides. Les enjeux seront terribles.

Ou se prennent les décisions aujourd’hui? Exemples de syndicats intercommunaux et du département. Exemples d’actions locales qui permettraient de comprendre quels sont les enjeux globaux.

- Le territoire c’est l’inscription d’une activité humaine dans un milieu. L’approche ne peut être que globale mais les supports sont multiples, complexes, difficiles à exploiter. NATURA 2000, PAYS, Parc National, Zones sensibles…
Gestion de massif forestiers par réappropriation locale : Chauffage, chantiers d’insertion, circuit court, bois d’œuvre…
Diagnostic des bâtiments, de l’éclairage public…
Ecologie territoriale : Recherche et analyse fine de la production et de la consommation d’énergie. Géothermie, petits barrages à débordement…

- Le département à une responsabilité dans le « plan climat » et la prévention et gestion des risques. Il à défini 11 objectifs depuis les PLU jusqu’aux politique d’achat en passant par la ressource en eau, la précarité énergétique, le risque sanitaire, les transports alternatifs etc…
Les grands axes c’est l’accompagnement des personnes âgées (2000 emplois), les espaces naturels sensibles (crues, zones humides), la plate forme de co voiturage, l’accessibilité en vélo, les filières courtes, la restauration bio et locale, les déchets etc…

L’initiative de « forums cantonaux » sur des sujets transversaux et la promotion de projets citoyens (photovoltaïque, biomasse, éolienne, déchets, recyclage, co voiturage…mais aussi habitat partagé, artisanat, AMAP, ceintures vertes…) sont une première piste.

Relocaliser, cela suppose des entités décisionnelles à taille humaine, un urbanisme et un aménagement du territoire adapté et décentralisé (contre l’étalement des lotissements, les supermarchés, l’éloignement des plus pauvres)


A LA MESURE DES LUTTES ET DES PRATIQUES 

- Un « front des luttes » : AGRICULTURE ET ALIMENTATION.

Il y a la possibilité d’un « front social » sur cette problématique (transition et conversion). La transition sera difficile. Aujourd’hui c’est l’agro busines qui est en train de gagner. Les agriculteurs qui se lancent sont persuadés que c’est leur dernière carte, d’où la possibilité de résistances et de confrontations périlleuses. Il y à même des productions qui devront être sensiblement réduites (la production de viande en particulier).

Au Brésil il existe deux ministères pour faire co habiter deux systèmes de production : Un pour l’agriculture intensive tournée vers l’export et un autre pour l’agriculture vivrière et familiale. Les mêmes règles appliquées à tous détruisent nécessairement les plus petits.

Que faire ? Les actions de boycott pour pénaliser certaines productions ? Les labels pour en favoriser d’autres ? Les circuits courts, l’économie sociale et solidaire, le pastoralisme, les systèmes d’échange coopératif ? Le communautarisme ? 

Sur le plan technique, moins d’intrants, moins de machines, moins d’énergie…cela nécessite une remise en cause sur toute la chaine de production depuis les semences jusqu’à la commercialisation. C’est ce qu’on appelle une « logique d’itinéraire technique ».

Pour lever ces obstacles,  ces difficultés il y a des arguments : Une bonne agro écologie qui valorise les potentialités d’un milieu et d’un territoire est tout à fait accessible techniquement. Nous en avons les moyens scientifiques et humains (avec une installation et une formation massive de jeunes agriculteurs). 

Le BIO n’est pas nécessairement écolo. mais on sait qu’il multiplie par 2,5  les emplois à production équivalente. Minimiser les achats (charges de structure) augmente le besoin de main d’œuvre et l’emploi local.

Reste l’argument de la qualité sanitaire et nutritive qui est décisif pour envisager des alliances larges.


- Affaiblir et bloquer la machine : ENERGIE ET INDUSTRIE.

Nous sommes au cœur de la valorisation du capital et au cœur du fonctionnement de nos sociétés qui n’existent pas sans une surconsommation démentielle d’énergie et de marchandises qui façonnent nos vies.

Pour autant nous pouvons vivre un effondrement brutal du système énergétique. La contrainte Carbonne est énorme, il faudrait aller beaucoup plus vite en matière de reconversion industrielle au lieu de délocaliser. 

Faut-il accélérer la transition (quid) ? Ou commencer à inventer un autre modèle ? Rupture ou continuité du modèle avec le « capitalisme vert » ?

On nous parle d’efficacité et de sobriété. Certes, pour une prise de conscience individuelle et familiale cela peut avoir un sens mais dans un monde gouverné par le profit ?

Voyons quand même ce que nous avons sous la main. Actions sur le terrain, pratiques militantes, règles institutionnelles.

- Reprendre la main sur l’énergie en réclamant un « droit d’accès », un « droit à produire » et une « démocratie énergétique ». Nous en avons quelques exemples avec des projets citoyens de production qui fragilisent la toute puissance des « grands opérateurs » aujourd’hui financiarisés.

- Lutter contre l’obsolescence programmée encore que la concurrence conduise d’elle-même à fabriquer en quantité de mauvais produits. Développer des ateliers, des recycleries en favorisant l’accessibilité et la redistribution.
- Se réapproprier la collecte et le traitement des déchets en faisant appel à de petites entreprises locales, une municipalisation (SCIC) et trouver une alternative aux incinérateurs.
- Réglementer, démocratiser : Protectionnisme et planification décentralisée sur la base des couts sociaux et environnementaux.
- Donner les moyens aux ouvriers et employés d’intervenir, favoriser la reprise d’activité sur de nouvelles bases écologiques et sociales.

Reprendre la main, est ce à notre portée ? L’économie circulaire…cela tourne en rond. La réduction drastique des consommations, c’est une autre forme d’organisation sociale, collective. Les réponses institutionnelles comme le protectionnisme solidaire et la planification écologique, que des gros mots pour certains!
Qu’elles réponses apporter aux couches populaires ? La gratuité des consommations de base, d’eau, d’électricité, des transports de proximité…un « revenu minimum » pour une humanité au rabais, pour légitimer la saloperie des inégalités ?

Et le nucléaire ? Témoin de nos impasses, de notre incapacité à converger avec les salariés et leurs organisations syndicales. Epuisement de nos forces devant tant d’inertie et d’étroitesse ; Devant tant de décisions aberrantes : En avant vers les 7 millions de bornes électriques pour nos voitures « vertes » ! 42 milliards et combien de centrales nucléaires ? Le « mix énergétique » entérine la puissance installé de 63,2 GWATT !

Ralentissement, relocalisation, vraie démocratie…vivre décemment, on veut bien y croire !

La COP21 ? Et bien, organisons des « toxic tours » autour de Paris ou un Alternatiba à vélo au travers de nos territoires ! OK, mais dans le cadre de la préparation d’une « COP » totalement alternative, un « FSL » sur le climat mondial. Parce que le climat, lui aussi, il est mondialisé !


CONCLUSION :

De quoi l’écologie radicale est elle le nom ? C’est le grand écart entre une radicalité qui se place dans un « autre monde » clés en main et des initiatives locales encore parcellaires, peu représentatives, ignorées du plus grand nombre.

Malgré les actions d’occupation du territoire (les ZAD) et bien d’autres initiatives contre les GPII…, l’écologie radicale reste une écologie de minorités sans effet sur les renoncements de l’écologie institutionnelle.

Nous sommes encore loin d’une confrontation franche et généralisée sur le terrain des institutions et du pouvoir politique.

Quel est l’enjeu ? Nous ne pouvons continuer de dénoncer le productivisme et les positions pro nucléaires des syndicats institutionnels et être incapables de faire entendre la nécessité d’une rupture dans les politiques de l’énergie en particulier.

La « révolution écologique » (rupture et transition) suppose un peuple conscient, un salariat mobilisé, des institutions de démocratie directe. Donc, il faut y aller : Dans la mise en cause des institutions, dans la convergence des luttes avec les salariés, dans des propositions de rupture concrète avec le système dominant.

« Il s’agit d’élargir, pas de se renfermer; il s’agit de montrer comment ce qu’on dit est au centre même des aspirations des gens, de devenir un instrument pour changer leurs vies et d’être reconnu comme tel. Il ne s’agit pas d’avoir raison, mais de pouvoir mettre cette raison au service d’un vrai changement des structures économiques, politiques et sociales qui forment une constellation de pouvoir. » ITW Podemos (février 2015)


PM.

06/02/2015                                                                                         Retour Sommaire