Nîmes, 31
janvier 2015
Compte rendu :
Guillaune Faburel et Ghislaine Soulet
COMMENT S’ORGANISER POUR CONSOMMER MOINS D’ÉNERGIE ?
Atelier : Habitat et urbanisation
Le
premier temps de l’atelier a visé à démystifier le développement durable
officiel comme projet collectif pour consommer moins d’énergie par de
« nouveaux » modèles d’aménagement ou de « nouvelles »
formes d’habitat. Tel que promu à ce jour dans les discours politiques des institutions,
le « développement durable »
présente en fait de fausses bonnes solutions, produites par le système productiviste
lui-même :
- Les
réponses techniques, immédiates et partielles qui se limitent à ajuster à
la marge mode de production actuel et l’organisation du territoire qui lui est
associée : isoler les bâtiments anciens, imposer de nouvelles normes
bioclimatiques pour les constructions neuve, éviter l’étalement urbain pour
limiter les déplacements des personnes et des marchandises associés, refaire la
ville sur la ville en développant des quartiers intégrant équipements, services
et emplois pour multiplier les déplacement à courtes distances, créer des « éco-quartier » favorisant un
sentiment de cohérence entre options politiques et pratiques pour les tenants
de l’écologie ;
- Le mouvement de « responsabilisation
individuelle » qui incite chacun à bien vouloir modifier ses pratiques
de consommation, à adapter ses comportements à des fins prétendument vertueuses
écologiquement, dans une société hyper consumériste ;
- La montée en puissance des villes,
nouvel interlocuteur politique et territorial promu
par les instances européennes et les grands
lobbies, mais aussi par l’Etat dans le cadre de ses réformes territoriales
depuis 2010, comme partenaire idéal de la transition énergétique aux dépends
des Etats.
Ces fausses bonnes idées du développement durable font système
voire modèle du capitalisme urbain, et ce sous l’égide d’une métropolisation
des territoires. Dans une économie postindustrielle bien plus dématérialisée
(financiarisation), la grande ville métropolitaine est devenue par les cibles
de consommation et marchés qu’elle concentre, le dernier grand lieu
d’accumulation du capital et de production du survaleur/profit. Toutefois,
après la fermeture ou la délocalisation des ateliers et usines, des
machines-outils et de leurs modes de production fordiste, elle a besoin de
fixer cette valeur. Elle doit alors trouver d’autres moyens de polariser. Il
s’agit ainsi de densifier (grossir… de l’intérieur) et d’accélérer, notamment
par les grands projets ; et de requalifier les centres à des fins
d’attractivité de certaines catégories socio-professionnelles par la
patrimonialisation. L’encastrement dans le capital technique et dans le capital immobilier assure
des rendements à long terme (cf. partenariats public – privé).
Dans cette visée de nouvelle accumulation, le développement
prétendument durable, et surtout la technique comme discours et outils par les enjeux énergétiques
offre des vertus essentielles :
-
prétendre lutter contre l’étalement urbain qui
serrait énergivore et consommateur des ressources naturelles (donc densifier
toujours plus) ;
-
fonder des normes et certificats permettant de
toujours plus concentrer les cibles de la consommation (ex : tours) ;
-
orienter les comportements et organiser les
conduites sociales pour l’optimisation des flux, sous couvert de réduction de
l’empreinte écologique de ces agglomérats urbains.
Loin de l’efficience visée, la technique sert surtout à
gouverner les corps, produisant un néo-fonctionnalisme et un néo-productivisme,
urbains, du capital mondialisé.
Sur cette base de constat, le débat a traité de 3 sujets plus particulièrement :
les territoires urbains/ruraux aujourd’hui, les outils de l’urbanisme et de
l’aménagement, et la construction démocratique de la transformation
socio-écologique.
Tout d’abord,
concernant l’existant des territoires, la dualité urbain/rural tant décriée à
ce jour, est le produit de cette construction du capitalisme urbain.
Les catégories déclassées et surnuméraires vivent
historiquement et majoritairement dans les banlieues et les grandes
périphéries. Le néo-fonctionnalisme dorénavant proposé par la maîtrise
technique des questions énergétiques propose de reconcentrer l’urbain, alors
même que, d’une part, ces populations ne peuvent y accéder (à moins de
s’endetter plus encore), et, surtout, que les trajectoires résidentielles vers
le péri-urbain traduisent également des choix d’autres modes de vie que ceux
proposés dans la ville dense. Sans compter que, a contrario de la
densification, il existe à ce jour plus de 200 villes de plus de 10 000
habitants qui rétrécissent en Europe, non seulement pour des raisons de
désindutrialisation mais aussi du fait de départs volontaires. Bref,
l’injonction à la densité urbaine apparaît de plus en plus contre nature, et
l’on voit des ménages qui font le choix d’autres modes de vie (ex :
sobriété) et de valeurs (ex : ralentir). Une volonté de reprise de soi et
de son parcours de vie est de plus en plus relayé par des formes d’activités
coopératives, de production alimentaire, ou encore de réinvestissement social.
Ce sont en fait,
deuxième sujet, les outils historiques de l’aménagement (Zones
d’Aménagement Concerté, Zones d’Aménagement Différé…) ou encore les produits
immobiliers proposés par les pouvoirs publics/privés (ex : maison à 100
000 euros) qui construisent le discours sur la nécessaire re-densification, et
ce faisant soutiennent l’idée de la réorganisation productive et néolibérale
des territoires. Strictement résidentiel, orienté vers le tout automobile, ce
modèle d’aménagement est énergivore, dispendieux, inégalitaire... Ici, il
existe toutefois des exemples de réappropriation (ex : planification
locale), voire de détournement d’outils (ex : quelques cas d’éco-quartiers
non uniquement centrés sur l’économie d’énergie et ce faisant l’écologie
punitive), voire la reconnaissance légale de l’expérimentation territoriale
dans le cadre de marchés publics (loi de 2012). Il y aurait alors nécessité de
relayer ces expériences et savoir-faire, à diffuser les pratiques en la
matière, dont la souplesse est à l’opposé de la normativité de la technique
comme régulation collective. Par exemple, le bioclimatique implique des
compétences qui existent dans les territoires.
C’est ici que le troisième sujet de débat a été posé : la maîtrise du territoire par le citoyen et
une nouvelle alliance local/national en rupture avec la métropolisation.
N’y a-t-il pas priorité
à réinvestir les espaces périphériques ruraux propices au développement d’alternatives
radicales ?
Que ce soit sous l’angle des modes de vie ou sous celui de
la réappropriation des outils, il existe de plus en plus de signaux de
résistances ordinaires, une infra-politique dont la généralisation est
dorénavant posée. Des pratiques politiques novatrices (auto-construction,
coopération solidaires, mobilisations plus ou moins sectorielles) se font jour
vis à vis d’institutions publiques émiettées, obsolètes et de plus en plus
dépossédées par la réforme territoriale en cours.
Dès lors que l’Etat,
du niveau communal au niveau national, est appréhendé comme un construit
social et produit du rapport de forces,
deux hypothèses nécessitent réflexion :
-
Peut-on se dispenser que les mobilisations et
les luttes en cours visent aussi à la transformation des institutions
publiques ?
-
Ne doit-on pas s’assurer que des lois et
règlements construisent un principe d’égalité pour tous, sur l’espace national
(ex : péréquation des richesses au sein et entre fédérations de régions) ?
Concernant la maîtrise
du territoire par les citoyens, il y a lieu de porter la lutte au niveau
communal, par opposition à un niveau intercommunal majoritairement construit
comme technocratique. Ici, sont particulièrement visés :
-
l’obsolescence des outils de l’aménagement. La
mobilisation critique ne nécessite-t-elle pas de dévoiler/dénoncer leur
détournement au profit de la permanence et de l’ajustement à la marge du
système actuel, productiviste, inégalitaire, ségrégatif et énergétivore.
-
La montée en puissance de l’expertise et des
savoirs techniques au détriment des savoirs citoyens et habitants et de leur
légitimité à participer directement des délibérations.
Au final, 3 passages
sont apparus comme obligés pour la construction des territoires,
territoire conçu comme un bien commun et espace de vie en commun :
- Dépasser les luttes sectorielles, les articuler au et sur le
territoire
- Prendre conscience que l’imaginaire est une construction
sociale et s’engager dans une production d’une vision citoyenne et habitante commune
du futur